jeudi 26 juin 2014

Les camerounais et la malhonnêteté


Moi je crois en mon pays. Chauvinisme mis à part, nous, les camerounais sommes très forts.
Je sais qu'on a les moyens intellectuels, humains et même matériels de devenir une puissance mondiale.
Regardez dans les meilleures écoles et universités du monde, vous y trouverez toujours des camerounais. Je ne parle que de ce que je sais, donc je peux affirmer sans soucis que le Cameroun, en France particulièrement, est l'un des pays d'Afrique noire les plus représentés dans les meilleures écoles de commerce et d'ingénieur : Polytechnique, HEC, Centrale, ESSEC, etc...

Le potentiel intellectuel et humain est là. Le potentiel naturel aussi. Mais alors qu'est ce qui cloche?

Je suis installée au Cameroun depuis neuf mois. J'ai fait le pari de quitter un emploi stable et une situation correcte dans ce que de nombreux camerounais locaux considèrent comme un eldorado pour rentrer chez moi. J'ai appris à redécouvrir mon pays, sachant que les commentaires faits à 6000km sont parfois déconnectés de la réalité.
Le problème le plus sérieux que j'ai identifié chez nous est notre malhonnêteté. Quand l'autre là avait dit "rigueur et moralisation", c'est comme si il déclenchait une épidémie de malhonnêteté et de kleptomanie chez ses concitoyens. Je parle bien de TOUS les concitoyens.
Depuis le milliardaire aux affaires de l’État qui a volé tellement d'argent que sa famille est riche sur plusieurs générations, mais qui est prêt à tout pour avoir l'opportunité de détourner quelques millions de plus. Jusqu'à votre cousin à qui vous envoyez de l'argent tous les mois pour qu'il vous aide à avancer sur votre chantier, un chantier dont vous apprendrez plus tard qu'il n'a jamais commencé....
Oui, les camerounais ont un sérieux problème.

Ne vous laissez pas avoir par ces extraterrestres qui pensent que le développement se décrète. Je ne citerai pas les contemporains hein, mais vous devez savoir de qui je parle. Du coup, on nous a décrété que le pays serait émergent en 2035, si on continue dans le raccourci qu'on dit nous avoir fait prendre: projets structurants et bla bla bla.
La vérité c'est qu'on court dans un sac. Tant que les camerounais seront aussi malhonnêtes qu'ils le sont actuellement, nous n'allons nulle part. Amusez vous à ne pas chercher des solutions dès maintenant, vous allez vous réveiller en 2035 et vous rendre compte que vous avez été escroqués, et les escrocs en questions seront déjà morts pour que vous songiez même à leur demander des comptes.

Nous devons changer nos mentalités. L'enfer, ce n'est pas que les autres.
 Je suis d'un naturel confiant. J'ai toujours pensé qu'en chaque être humain, il y avait du bon, et que de nombreux individus attendaient juste qu'on les aide un peu et qu'on leur fasse confiance. Après quelques mois au Cameroun, cette idée n'a pas changé mais j'ai appris à tempérer un peu mon enthousiasme.
Combien de fois avez vous entendu des histoires d'argent qui se terminent au commissariat?
C'est le pain quotidien ici. Un camerounais a plus de chances d'être malhonnête que le contraire. Et j'en ai fait les frais. Laissez moi vous raconter une petite histoire

Au départ de ce blog, je vous avais dit comment je croyais en ce pays et en son potentiel de rendre les gens qui veulent bien travailler riches. Oui, il n'y a pas que le vol ou le football qui peut enrichir les camerounais. Tout, ou presque, est à faire, donc, une idée, de la volonté, de la rigueur et un peu de chance, peuvent fortement contribuer à beurrer vos épinards.
En parallèle de mon activité professionnelle, j'ai décidé à peine quelques mois après mon arrivée au Cameroun, de donner corps et vie à une idée que je jugeais prometteuse. Les futurs clients rencontrés et les perspectives  bien dessinées, j'ai donc voulu procéder à la création d'une SARL qui assurerait le service.
Petit problème, à vouloir le beurre et l'argent du beurre, il faut pouvoir être sur tous les fronts à la fois! Et moi j'ai des responsabilités en entreprise...Comment m'occuper de la création de mon entreprise alors qu'en même temps je dois gérer une équipe qui a son importance dans la société qui me paie tout de même un salaire à la fin du mois?
La solution semblait toute trouvée pour un de mes oncles, qui m'a recommandé son ami d'enfance, associé d'une petite structure de conseil juridiques qui pouvait effectuer les démarches à ma place, contre rémunération, évidemment.
"tu vas voir, il est super calé"
"c'est toujours vers lui que je me tourne pour ce genre de choses"
"il est très compétent dans ce domaine"
etc...etc...
Les superlatifs ne manquent jamais quand on vous recommande quelqu'un au pays.

Le rôle premier identifié était celui d'intermédiaire entre un notaire de la place et moi. Très vite, mon "conseil" a demandé une première avance "pour que le notaire sache qu'on n'était pas en train de lui perdre son temps". J'ai donc avancé deux cent mille francs, pour qu'on puisse obtenir la base des statuts dont mes associés et moi devions discuter. Premier hic : pas de facture.
"En fait, le notaire est en déplacement en France pour deux semaines. Je te remets la facture à son retour". Ah ah. J'ai signalé à mon oncle que ça commençait mal avec son ami et que ça se terminerait sans doute aussi mal alors.
Des jours et des jours passent. Alors que je comprends que les situations géographiques des différents associés risquent de ralentir le processus, j'ai l'idée de créer un établissement individuel pour avoir déjà une structure légale, pour calmer mes futurs clients qui trépignent déjà d'impatience en attendant mon dossier fiscal.
Au pays, on aime bien foutre la pression aux prestataires hein, en oubliant de se la mettre à soi même, surtout au moment de les payer.

Théoriquement, un établissement se fait en 72 heures. Mais ça, c'est théoriquement.
J'en parle à mon "conseil" qui dit lui même que c'est une bonne idée et... tend la main.
150.000 francs, et j'ai les papiers de mon établissement 72 heures plus tard. Promis juré.
Les coûts réels pour créer un établissement sont au maximum de 50.000 francs CFA. Vous voyez donc la marge que le bon monsieur a empoché pour la prestation.
Généralement, moi je n'aime pas discuter. Quand je veux quelque chose, je paie et j'exige le résultat que je veux. J'ai donc donné ce qu'il a demandé. Erreur for mboutoukou?
Trois jours, quatre jours, cinq jours, une semaine, deux semaines.
Aucun établissement en vue.
D'abord, c'est que je suis née au mauvais endroit (super!) et que du coup, l'obtention de certains documents (en l'occurence le certificat de nationalité) est compliquée pour moi.
Ensuite, c'est que le directeur des impôts est à Douala, et que les chefs de centre ne signent plus rien, et sont occupés à faire des réunions avec ce dernier.
Ensuite, c'est que la pluie empêche les gens de travailler.
Ensuite c'est que le chef de centre s'est "assis" sur mon dossier.
Bref, j'ai tout entendu.

A un moment j'ai compris qu'on allait vers le mur. J'ai donné un ultimatum et là, selon ses propres termes, il a fait "des pieds et des mains" pour me...scanner (j'étais à l'autre bout de la ville à ce moment) un registre de commerce.
En ouvrant le mail, surprise. Ou pas vraiment
Il s'agissait d'un document falsifié de façon tellement grossière que je me suis dit qu'il était même bête. Il y a des faux bien plus authentiques que celui là hein...
Avec mon faux registre de commerce, il devenait évident qu'il ne faisait que me mener en bateau depuis trois semaines. Coût total d'une opération à résultat néant : 350.000 francs. En prime, il n'a jamais remis la facture du notaire, que j'ai fini par soupçonner de ne jamais exister.
Alors récapitulons. Tu donnes de l'argent à un individu, largement assez d'argent pour faire ce que tu lui demandes et empocher plus de la moitié quand même. Mais il fait rien, en perdant ainsi un client potentiel, en ruinant la réputation de son cabinet, et en prenant le risque de finir en prison pour escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux. Si ce n'est pas de la bêtise ça, dîtes moi ce que c'est. Et pourtant tous les jours, on assiste à ce genre de comportements.

Je vais vous donner un conseil que vous devez appliquer soigneusement (vous me remercierez plus tard): dans ce Cameroun, avant de traiter avec qui que ce soit, il faut vous assurer que vous avez un moyen de le faire appuyer si il veut vous faire un coup bas.

Souvent, les gens pensent qu'ils peuvent vous escroquer et vous ne leur ferez rien. Chacun sait sur quoi il compte. Ce monsieur se disait certainement que le fait de m'avoir vu grandir, d'être ami avec un oncle proche, lui épargnerait mes foudres. Mais en fait non. C'est son ami, qui, le premier, totalement dépité de m'avoir induite en erreur, m'a demandé de me rendre au commissariat..

Comme malheureusement ça marche au Cameroun, j'ai obtenu auprès d'un ami, les coordonnées de quelqu'un à la PJ, qui m'a reçu et m'a demandé de revenir avec une plainte en bonne et due forme. Les choses ont-elles été faciles parce qu'on m'a recommandé à ce commissaire? Certainement.

Me voici donc réduite à faire enfermer quelqu'un qui pourrait être mon père, un monsieur qui a certainement touché des millions dans sa vie, mais qui n'a pas résisté à essayer de sonner 350.000 francs à la nièce de son meilleur ami, alors qu'il était déjà rétribué pour le travail à faire.

Ai je été naïve? Probablement. Heureusement j'ai toujours mon plan B car j'applique toujours le conseil que je vous ai donné.

Ainsi va le Cameroun.

J'ai ainsi fini par comprendre qu'ici, par défaut, il ne faut pas accorder sa confiance aux gens. Le bon grain qu'on peut retrouver est clairsemé, au milieu des épines les plus dangereuses qui soient.
C'est une leçon importante dans la mesure où la somme concernée est encore faible. Il y en a qui se font spolier de millions de cette façon là et si je ne m'étais pas fait vacciner aussi vite, peut être qu'un jour j'aurais confié aveuglément plus d'argent à quelqu'un.


Voilà donc mon message du jour. Ne vous y méprenez pas. Je ne regrette absolument pas mon retour au pays. Le potentiel est énorme, et malgré les difficultés, celui qui veut avancer, avance. S'il s'en donne les moyens. Le tout est de faire attention, très attention, car malheureusement, le Camerounais est un loup pour le camerounais. Et quel loup.

A bientôt

mercredi 4 juin 2014

Pourquoi je vais ouvrir ma propre crèche



Hello hello les gens!

Je me suis récemment dit, qu'il était intéressant, pour l'éveil de mon fils, que je l'inscrive dans une crèche, avant qu'il n'ait l'âge minimum requis pour aller en maternelle. C'est vrai qu'au Cameroun, surtout à mon époque, la mode était de laisser les enfants se battre au quartier avec la nounou, les cousins et les voisins avant d'aller à l'école. Mais mère moderne de mon état, et certainement endoctrinée dans les histoires de Mbeng, j'ai décidé que je pouvais l'envoyer dans un environnement où tout serait mis en œuvre pour faire de lui un futur génie.... Surtout qu'à Douala, j'ai l'impression de voir une crèche tous les trois carrefours. J'ai donc décidé de faire le tour , afin de pouvoir faire un choix avisé.

J'aurais dû me douter qu'il y aurait anguille sous roche. Vous connaissez les camerounais non? Tous les business rentables et simples à implémenter sont recopiés par tout le monde y compris ceux qui n'y connaissent rien.

Première halte : une crèche dont je tairais le nom, située quelque part entre Douala, Bonapriso et Bonanjo. Je me fais recevoir par la patronne, très sympathique, et avec qui je sens que le courant passe vraiment. Oh oui, il passe vraiment surtout quand elle m'annonce le prix de revient total d'une année : 1,7 millions.

Là sur le coup, j'ai commencé à rire. Un petit rire jaune. Un million et sept cent mille francs CFA en tout. Je crois que c'est supérieur à l'ensemble des frais de scolarité déboursés de ma sixième à ma terminale au Collège Libermann à Douala. Mieux même, c'est supérieur à l'ensemble des frais de scolarité déboursés par an durant mes trois années d'école d'ingénieur en France (cinq cent euros par an). Je jette un coup d’œil dehors et je vois pas moins d'une trentaine d'enfant courir dans tous les sens, sous le regard de quelques encadreuses.

Et là, mon cerveau de bamiléké qui s'ignore s'est mis en marche.

A raison d'un million sept par enfant, pour trente enfants, ça nous fait une recette de cinquante et un millions par an. 
Si on embauche dix personnes pour le personnel (et encore c'est qu'on veut être professionnels car on pourrait se débrouiller avec cinq), payés au salaire de soixante quinze mille francs par mois, ça fait 9 millions. Si vous trouvez que soixante quinze mille francs ce n'est pas assez, je tiens à vous rappeler que ces crèches ne fonctionnent que le matin. Donc je crois être plus que généreuse au niveau des salaires.
Eh oui, pour la modique somme de 1,7 millions par an, vous êtes priés de venir chercher votre rejeton à midi pile. Ne soyez pas en retard hein, c'est comme la crèche à Mbeng, elles vont tirer la tronche si vous leur perdez leur temps. Ce qui signifie que vous devez chercher une autre solution pour l'après midi. Accessoirement.

En imaginant que vous louez un local à... allez, un million par mois (et encore, même dans les quartiers chics, ça peut être une demeure plus que conséquente), vous en avez pour 12 millions.
En rajoutant 10 millions de charges diverses pour tout l'année (vu que vous les parents apportez les couches, et la nourriture de votre enfant), qu'il y a un bénéfice annuel de près de vingt millions... Pas mal, pas mal du tout.

Je suis partie de la crèche, toujours avec le sourire. Comment ne pas sourire quand on vient de me donner l'idée du business qui va m'enrichir. Anti Zamba. Ces crèches sont pleines donc il y a même les clients. Je vais ouvrir pour moi.
Pour que l'enfant apprenne à faire des "majakalanjukulu", qu'il se roule par terre, et joue, il y a des parents prêts à payer l'équivalent d'environ 50 fois le SMIC camerounais. Il y a les uns et les autres hein...

Peut être qu'en sortant de là, mon fils parlera couramment japonais, hébreu et espagnol à trois ans. On ne sait jamais. Le mystère de cette crèche ne sera malheureusement jamais résolu pour moi. J'ai pas le niveau d'argent là pardon.

En tout cas... Je suis à la recherche de potentiels partenaires hein, je crois que je vais ouvrir ma propre crèche. ça intéresse quelqu'un?
On s'attrape.
@ plus!