jeudi 14 décembre 2017

Une histoire de migrants Part II

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Lorsque j'ai eu mon bac, je me suis directement envolée pour la France pour mes études. Je ne suis revenue en vacances au Cameroun pour la première fois que deux années plus tard.

Je n’ai pas particulièrement préparé ce retour. Je n’ai pas refait ma garde robe, je ne me suis pas équipée en maquillages, bijoux et autres.  Rien. J’avais les petites choses que j’avais pu accumuler en deux ans et c’était bien suffisant pour moi. De toutes les façons, j’étais étudiante, sans petit boulot en raison du planning chargé des classes préparatoires, et venant d’une famille modeste, je ne voulais surtout pas m’affubler d’une image qui ne correspondrait pas du tout à mes réalités. Au-delà de tout cela, au Cameroun, il y avait mon meilleur ami de l’époque, Oscar, qui était obsédé par Mbeng, et que je voulais absolument ramener sur terre.

Oscar vivait dans le même quartier que moi. . Il n’était pas dans la même école que moi mais trainait régulièrement devant le portail à la sortie des classes, délaissant ses propres études, qu’il a fini par abandonner en classe de troisième, alors qu’il n’était pas bête, juste perturbé, et obnubilé par la France et les US. Tout au long de mes années de collège, il avait fini par passer pour le clown de service auprès de la plupart de mes camarades de classe, surtout les filles, qu’il ne manquait jamais de draguer assez lourdement dès que l’opportunité lui était présentée, en parodiant les stars américaines des clips de l’époque.

Vous pouvez vous demander comment j’ai fait pour devenir amie avec quelqu’un comme ça, moi qui à l’époque était concentrée sur mes études… Oscar était foncièrement gentil. Au-delà de la stupidité caractéristique dont il pouvait faire preuve dès lors qu’il fallait parler de tout ce qui se trouve au-delà des océans, c’était quelqu’un de très humain et très bon, qui était devenu un grand frère de substitution pour moi. C’est la première personne que j’ai décidé de « sauver » dans ma vie. J’étais devenue la voix de la raison, à lui expliquer régulièrement que la France et les US n’étaient pas le paradis, et qu’il fallait qu’il essaie de se battre localement pour faire quelque chose de sa vie, qu’il fallait qu’il reprenne ses études, ou qu’il fasse une formation, pour avoir une base. Bien sûr, je prêchais dans le vent, et mon départ lui a juste permis de dire « tu vois… toi-même on te fait partir. Il n’y a rien de bon ici, je te dis ».

Quand je suis revenue en congés, j’ai donc tenu à rester la plus naturelle possible, afin de ne pas lui donner de fausses idées sur la France. Ca n’a pas du tout marché. Je n’étais pas la seule « panaméenne » à revenir en congés, mais vraisemblablement, j’étais la seule à ne pas être en mode « je vais vous en mettre plein la vue ».
Tous les weekends, des étudiants en France comme moi, dont je connaissais les difficultés, écumaient les boîtes de nuit avec une suite de courtisans, qu’ils arrosaient à coup d’euros qu’ils avaient minutieusement économisés les mois précédant leur retour… Chacun tenait à avoir des fringues de marque, de jolies chaussures, le téléphone dernier cri…. Le nombre de souscriptions à certains forfaits chez SFR a dû exploser à la veille des vacances d’été : le téléphone est pris, débloqué quelque part vers Barbès avant le retour, et on se pavane dans Douala avec pendant un mois, en sachant pertinemment qu’on va avoir des problèmes avec la banque et SFR dès le retour quand on ne pourra plus payer les traites obligatoires pendant un an. Mais ce n’était pas grave…  il fallait absolument tenir le rang de « panaméen ».
Je me souviens encore de cet ancien camarade qui m’a froidement dit à une fête à laquelle je participais une semaine après mon arrivée : « tu ne ressembles pas à quelqu’un qui vient de Mbeng ». Tenez vous bien, je n’étais pas vêtue de haillons hein… juste pas assez sophistiquée à son goût. En plus, je prenais le taxi… Je ne vous cache pas que j’avais été blessée dans mon orgueil et qu’à ce jour, je continue à le traiter intérieurement de « chouagne » quand je le croise…

Tout le laïus que j’ai préparé pour Oscar n’a servi à rien. J’ai eu beau lui dire que c’était dur,  lui parler du froid et du calvaire des sans abris, lui dire que certaines personnes qui se la racontaient quand ils étaient en vacances au pays faisaient des escroqueries à la carte bleue et flirtaient avec la prison, que d’autres avaient des emplois tellement dégradants que lui ne pourrait jamais accepter de le faire, que certains allaient jusqu’à emprunter des vêtements en prévision de leurs vacances aux pays, qu’il fallait commencer par apprendre à se battre au Cameroun…. Il est simplement arrivé à une conclusion : je lui mentais pour le décourager. Et je voyais comment l’attitude de certains autres en congés le plongeait un peu plus dans un état de psychose avancé… Il fallait absolument qu’il parte du Cameroun lui aussi !

Quand on avance dans la vie, on finit par se séparer des personnes qui ne vont pas dans le même sens. Inéluctablement, les années qui ont suivi, j’ai cessé d’être amie avec lui. Pendant que j’avais des préoccupations pragmatiques, sur mes études, ma carrière, préparer mon retour, Oscar restait enfoncé dans son obsession:  il m’envoyait régulièrement des messages lui demandant de lui trouver une de mes camarades de classe blanche, « du genre bien laide, bien bête, mais bien riche », qui pourrait le faire monter à Paname. Entre temps, il ne faisait absolument rien de sa vie, et vivotait en quémandant à gauche et à droite. J’ai fini par perdre sa trace, sa mère ayant elle-même fini par le mettre à la porte.

Nous voici rendus quelques années plus tard. Mon petit frère alors étudiant au Maroc m’envoie un message un jour. « Oscar est chez moi ».  « Oscar ? Quel Oscar ??? »
C’était bien notre ancien voisin du quartier, qui était en « transit  au Maroc, en route pour Mbeng. Oscar s’est rendu au Mali à partir du Cameroun (les Camerounais n’auraient pas de difficultés à s’y rendre), a ensuite fait de faux papiers maliens, et est arrivé au Maroc. Son objectif était d’arriver en Europe, et en attendant de trouver le moyen de passer le canal de Suez, il cherchait un toit, et s’était rendu chez mon jeune frère. Je suis tombée des nues, face à toute cette détermination. Oscar avait été incapable de faire le moindre travail au Cameroun, jugeant tout indigne de sa personne, mais il était prêt à tout pour arriver en Europe, y compris à s’appeler Ali Keita. J’ai repris contact avec lui et je lui ai demandé de trouver rapidement une solution et de quitter la chambre de mon petit frère. A ce moment là, la seule chose qui m’importait était de préserver la tranquillité de ce dernier qui était au Maroc pour étudier, et pas pour autre chose. Il m’en a voulu à mort, et je n’ai plus eu de ses nouvelles pendant de longues années.
Aujourd’hui, Oscar serait quelque part à Nice. Oui, il a fini par arriver où il voulait arriver. Je ne sais pas comment il a fait. Je ne sais pas s’il a pris un bateau ou s’il a pris les papiers de quelqu’un. La dernière fois que j’ai eu de ses nouvelles, c’est par une ancienne connaissance commune qui travaille désormais au Congo, qui m’a expliqué qu’Oscar depuis Nice continue à lui demander de le faroter. Comme quoi, sa vie n’a pas vraiment changé. J’aimerais bien le revoir aujourd’hui, pour comprendre s’il a enfin réalisé qu’il a poursuivi une chimère toute sa vie.Il aurait mis la même détermination à finir ses études qu'il aurait même pu aller jusqu'au doctorat. Mais, il ne rêvait que de la France et des US, parce qu'il a vu les autres avec de belles fringues et de grands parfums.

Que peut-on faire pour ce genre de personne qui existeront toujours? Honnêtement je ne sais pas. On aura beau leur parler, rien ne changera dans leur tête. C'est déjà quasiment pathologique. Mais j’en appelle quand même à la responsabilité de tous ceux qui vivent hors du Cameroun. Il est tout à fait humain de vouloir montrer qu’on a réussi, ou simplement de vouloir sauver la face, mais il n’est pas indiqué de vendre des illusions à ceux qui sont restés. Il n’est peut être pas facile d’avouer qu’on a du épouser une femme qui a le double de son âge pour arriver à avoir une situation stable, il n’est pas évident de dire à tous ceux là qui nous admirent et nous encensent que l’argent que nous sommes en train de flamber correspond à plusieurs mois d’économie… Mais il faut apprendre à le faire. Parce qu’il y a des faibles d’esprit. Parce qu’il y a des personnes qui ont besoin de redescendre sur terre. Parce qu’il suffit simplement de la prise de conscience que dans tous les cas, il faut se battre, pour parfois inciter ceux qui sont sur place à se retrousser les manches au lieu de concentrer leur énergie à entamer un périple qui leur coûtera peut-être la vie.  En réalité, ce qui compte ce n’est pas où on veut géographiquement arriver, mais où on veut arriver dans la vie,  et nous devons éviter d’induire nos compatriotes en erreur en les amenant à croire que les deux se confondent, en leur montrant exclusivement une vie de paillettes.

lundi 11 décembre 2017

Une histoire de migrants part I



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Lorsque je le vois pour la première fois, il est dans le bureau d'une de mes collègues, avec un sac plein de vêtements, qu'il essaie de lui vendre. Je m'arrête, et je regarde aussi ce qui est proposé. Je trouve quelques articles intéressants et je prends son contact, en lui proposant de revenir la semaine d'après avec d'autres articles de ce genre. Pour une paresseuse comme moi qui n'est adepte que du shopping sans effort -c'est à dire en ligne- ce jeune homme est une aubaine.

Il s'appelle Alain et il a une trentaine d'années. C'est un vendeur de vêtements, qui a une boutique à Ndokoti, et un portefeuille de clientes privilégiées vers qui il se déplace lorsqu'il a des articles qui pourraient les intéresser.

Il est revenu la semaine d'après, et je lui ai acheté deux robes que j'ai trouvées particulièrement jolies. J'ai maladroitement essayé de négocier au niveau du prix et puis ma nature expéditive m'a rattrapée. J'ai fini par les prendre pas très loin du prix taxé, mais à un prix toujours plus intéressant que celui des boutiques huppées d'Akwa qui s'approvisionnent aussi... chez lui. C'est ainsi que s'est tissée une relation d'affaires. Il savait à peu près le type de vêtements qui me plaisait, et m'envoyait régulièrement des whatsapp chaque fois qu'il y avait un arrivage susceptible de m'intéresser. Lorsque mon attention était piquée, je l'invitais à passer au bureau et je prenais ce qui m'intéressait, en le dédommageant pour son déplacement.

Ca a duré environ six mois, et puis du jour au lendemain, Alino, comme on l'appelait, a cessé de m'envoyer des messages. N'étant pas une acheteuse compulsive, je ne l'ai cherché qu'une fois, après quelques mois, mais sa réponse a été molle et il n'est pas venu au bureau comme d'habitude. Six autres mois sont passés. Ma collègue, qui habitait dans le même quartier de lui, m'a signalé qu'elle ne savait pas où il était passé, mais qu'elle continuait à voir ses enfants de temps en temps dans le quartier.

Nous voici rendus en Décembre 2017, plus d'un an après la dernière fois que j'ai vu Alino.

Aujourd'hui, j'ai été informée qu'il est mort en Libye. Les derniers reportages de CNN et le retour des migrants organisés par les autorités camerounaises ont permis à sa famille de prendre des renseignements auprès de ceux qui l'ont croisé là bas.

Alino est mort noyé dans l'eau, lorsque l'embarcation qui le transportait a chaviré. Je n'étais pas particulièrement proche de lui, mais j'ai pensé au type de personne qu'il était, très battant et débrouillard, prêt à tout pour gagner sa pitance et s'occuper de ses enfants. Et je me suis rappelé qu'il y avait certains "bien-pensants" dont la réaction avait été de fustiger les "paresseux" qui refusaient de se battre au Cameroun et préféraient sacrifier leur vie sur des chemins tortueux dans l'espoir d'atteindre l'eldorado européen, au lieu de "travailler".

Alino était marié. Quelques mois avant son départ, son épouse a pris la route et est arrivée en Italie, en passant par cette même Libye. Elle a commencé à se débrouiller et à envoyer de temps en temps un peu d'argent pour aider son mari qui est resté avec les enfants. Ces euros ont été une véritable aubaine mais ils étaient loin d'être suffisants, dans une famille où tout le monde était dans la pauvreté, et où la moindre maladie était synonyme de mort. Alino se débrouillait, de toutes ses forces, mais c'était loin d'assurer la présence d'un repas dans le plat de ses enfants chaque jour, avec les agents des impôts qui ne manquaient pas de le racketter à l'occasion. Alors, ils ont décidé ensemble, qu'il était préférable qu'Alino laisse les enfants à la grand mère, et qu'il la rejoigne, pour qu'ensemble ils continuent à se battre pour sortir définitivement leur famille de la misère.

A-t-il évalué les risques avant de se mettre en route? Certainement. L'a-t-il fait parce qu'il refusait de se battre au Cameroun, où était trop paresseux pour retrousser les manches? Non. Alino était debout tous les jours à cinq heures, pour être le premier au déballage, travaillait parfois jusqu'à la tombée de la nuit, pour s'occuper de sa famille.  Mais c'était clairement insuffisant pour mettre sa famille à l'abri du besoin, et surtout, il ne voyait pas le bout du tunnel. Alors il a préféré mettre sa vie en jeu, pour rejoindre un environnement où l'espoir semblait permis pour lui. Et il y a laissé sa vie.

Je pense à tous ces bienheureux qui ont eu la chance de naitre avec plus de chances que d'autres, et qui se sont permis à la suite des reportages de CNN de porter des jugements hâtifs sur les motivations de ces différents migrants. Le fait que certains aient vu la mort, et soient prêts à repartir une fois la cagnotte reconstituée devrait plutôt nous interpeller : qu'est devenu le Cameroun pour que nos frères camerounais soient prêts à affronter l'enfer pour en sortir? Sont-ils tous vraiment les rêveurs, naifs, paresseux que certains ont décrits? 

Paix à l'âme d'Alino et de tous ces autres à qui on a enlevé l'espoir.

jeudi 8 juin 2017

Part II... La route ne tue pas...



Quand je venais juste de démarrer ce blog, j'ai rédigé un article sur la route au Cameroun... Je savais que je ne pouvais pas traiter le sujet de façon exhaustive et j'avais à l'époque intitulé le billet "Part I... la route ne tue pas", avec pour ambition de revenir continuer à déblatérer sur le sujet. Bien des mois (des années) après, je me rends compte que je n'ai jamais pris la peine de continuer cette série sur les problèmes routiers que nous connaissons dans ce pays. En réalité, je crois que j'ai tellement été dépassée par le niveau de désordre que je n'ai plus trouvé les mots pour pouvoir qualifier ce triste spectacle auquel j'assistais.

Pourquoi je me décide à recommencer ce soir? J'ai assisté il y a quelques jours à une scène qui m'a secouée. Certains diront que je l'ai été plus que nécessaire : après tout, après trois ans et demi passés au Cameroun, certaines scènes d'horreur devraient faire partie de mon quotidien... Il suffit d'allumer sa radio le matin pour entendre parler de ces motos écrabouillées par des camions, des agressions à main armées, des viols sur mineurs, des accidents de la route sur nos grands axes, de personnes fauchées par des motos... Mais non, je crois que je ne serai jamais anesthésiée face à l'horreur.

J'ai vu un piéton se faire faucher par une voiture. En plein embouteillage. Oui, un putain d'embouteillage où toutes les voitures sont rangées à la queue leu leu et doivent attendre quinze minutes pour parcourir un mètre. Comment cela a-t-il pu se produire, alors que le monsieur était sur le trottoir? Simplement parce qu'au lieu de faire comme tout le monde et patienter le temps que la police présente sur les lieux fluidifie la circulation, certains camerounais ont décrété qu'ils étaient plus pressés que le reste du monde, que leur temps à eux était plus précieux, et ont commencé à rouler sur le trottoir. Et une personne parmi ce tas d'idiots est allée percuter une glissière et a perdu le contrôle de sa voiture, fauchant au passage une personne qui marchait tranquillement à l'autre bout du trottoir... Ce qui est encore plus triste dans toute cette situation, au delà de la vie de cet homme qui est peut être perdue aujourd'hui, c'est le fait que la responsable de l'accident pourra potentiellement passer en travers les mailles du filet. On est au Cameroun et la bonne dame conduisait un Nissan 4x4 neuf. Autant dire, qu'elle vient potentiellement d'une classe sociale qui n'a pas souvent trop de mal à passer à travers les mailles du filet. J'espère sincèrement que la famille de la personne fauchée ne lâchera pas l'affaire.

Ce comportement irresponsable est la NORME dans la circulation routière au Cameroun. Personne ne respecte rien et l'incivisme est à son paroxysme. Et gardez vous bien de vouloir bien faire et de vouloir sensibiliser vos compatriotes à mieux faire.

Je me fais insulter régulièrement parce que je respecte systématiquement un feu rouge. Un monsieur plus que respectable est allé un jour jusqu'à descendre de son véhicule pour venir m'apostropher parce que je refusais d'avancer tant que le feu n'était pas repassé au vert. Le comble c'est qu'un poste de police est situé à ce carrefour là, mais la potentielle présence de la police n'a pas l'air de dissuader les usagers qui s'inventent une flèche orange imaginaire qui justifierait le droit de traverser pour aller à droite.

Toutes les catégories d'usagers sont concernées par les bêtises. Les automobilistes, taxis, motos et camionneurs s'insultent entre eux mais il n'y a personne pour rattraper l'autre.
Commençons par mes ennemis préférés.
Je travaille en zone industrielle, et je suis obligée de passer par Ndokoti tous les matins. J'ai développé une inimitié particulière pour les motos et les camions.

Les conducteurs des motos sont juste idiots, pour la plupart. Partez de ce principe simple, et vous sauverez la vie de plusieurs d'entre eux derrière votre volant. Ils s'emmitouflent dans des doudounes, des blousons, écharpes, gants et bonnets, sous un soleil ardent avec une température à l'ombre de 35°, et cet équipement les persuade qu'ils sont immortels. Ils entrent dans des bras de fer incompréhensibles avec des voitures, parfois mêmes des camions, se comportant comme si ils ne sont pas les plus exposés. Les feux rouges ne les concernent jamais, sauf éventuellement les jours où les policiers en charge de la circulation durcissent le ton et se munissent de bâtons pour fouetter les plus intrépides d'entre eux. Le sens de la circulation aussi ne semble pas les concerner. Ils roulent dans tous les sens, sans aucune gêne, allant même jusqu'à vous insulter si vous les gênez. Les dépassements sont incontrôlables, à gauche comme à droite et ils n'hésitent pas à s'arrêter en plein milieu de la chaussée pour déposer ou prendre leurs clients..
90% des embouteillages à Ndokoti sont dûs aux motos (et aux piétons, mais on en reparlera).
Quand j'observe leur comportement, derrière mon volant, et que je pense au nombre incalculable de fois où j'ai dû faire face à un d'eux, prenant sur moi de penser à leur sécurité à leur place, je suis confortée dans ma position qui est de ne JAMAIS prendre la moto, quelles que soient les circonstances. J'ai eu recours aux deux roues deux fois dans ma vie : une fois en 2003, et une fois il y a deux semaines, juste pour voir quel effet ça faisait. Cette statistique ne risque pas de changer de sitôt. On pourrait croire qu'ils troquent systématiquement leurs cerveaux en échange de leurs deux-roues.
J'en viens à apprécier particulièrement les jours de forte pluie. Certes, il est difficile de circuler même en voiture, avec les mini-lacs qui se forment encore ça et là, et la faible visibilité, mais la pluie a ceci de merveilleux qu'elle oblige les motos à déserter les routes. Il n'y a rien de plus reposant que d'arriver au travail le matin sans avoir eu à s'inquiéter de sa carrosserie ou de se retrouver avec un corps sur les bras.

Parlons maintenant des camionneurs. Déjà, il faut comprendre que le Cameroun est le cimetière de tous les camions destinés à la casse en Europe.  Ce qui signifie que très peu de camions en arrivant ici répondent encore réellement aux normes élémentaires en matière de sécurité. Il y a certains camions qui sont de façon visible tellement vieux que je me dis que le chauffeur risque le tétanos à chaque fois qu'il se glisse dans la cabine. Si on rajoute à cela le nombre de visites techniques qui sont obtenues en glissant un billet au contrôleur, sans que le contrôle ne soit réellement fait, vous comprenez qu'il faut absolument se méfier des camions. Ayez peur si il y en a un sur une descente derrière vous, ou sur une montée devant vous. Fuyez! Le cas des freins qui lâche est tellement courant qu'entendre parler des accidents liés à cette défaillance fait quasiment partie du quotidien.
On peut aussi parler de ces containers et cargaisons amarrés à la va-vite qui se renversent et écrasent d'autres usagers. Je m'interroge régulièrement sur la règlementation à ce sujet et sur les mesures de sécurité qui sont prises dans les entreprises pour sécuriser leurs chargements. Je connais au moins trois cas tragiques qui se sont produits depuis que je suis rentrée et d'autres moins tragique : lorsque la bière se renverse en route par exemple. Généralement les populations sont contentes de l'aubaine et se précipitent pour sauver les bouteilles qui peuvent encore l'être mais parfois je me demande si ils sont conscients que ces casiers auraient pu s'effondre sur quelqu'un et le tuer...
Aucune mesure ne semble être prise par nos pouvoirs publics pour arriver à maîtriser tous ces accidents dans lesquels des gros transporteurs sont impliqués. A chaque accident, il y a la consernation générale, et puis plus rien. "On va faire comment?!". Voila la formule consacrée des camerounais.
Au delà de l'état lamentable des véhicules, on peut aussi parler de la méchanceté des camionneurs. Je ne trouve pas d'autre mots pour qualifier leur attitude sur les routes. Vu que je travaille en zone industrielle, j'ai le loisir d'admirer leurs prouesses tout le temps. Un gros porteur, avec une charge, qui roule à 70km/h alors que la limite est fixée à 50km/h? Rien de surprenant. Ceux qui le verront venir s'écarteront ou mourront. Après tout, ne sont-ils pas invincibles et immortels du haut de leurs cabines? Ils n'hésitent pas à forcer et à faufiler, un comportement que je trouve particulièrement irresponsable, car les conséquences d'un accrochage avec un camion sont potentiellement les plus graves. Autant, avec les motos il faut apprendre à les éviter de peur de les tuer sans que l'idée de leur propre mort ne les effraie, autant il faut éviter les camions car l'idée de vous tuer ne les perturbe pas plus que ça non plus.

Une nouvelle calamité a fait son apparition depuis quelques années : les tricycles. Ils sont pourtant bien pratiques pour les petites livraisons et les déménagements dans la ville mais il se pose plusieurs problèmes. Premièrement, la plupart ne sont pas munis de rétroviseur. Ils ne roulent pas très vite sur les routes, et quand l'envie vous prend de les dépasser, vous n'êtes pas à l'abri d'un braquage soudain à droite ou à gauche, le tout bien sans qu'aucun clignotant n'ait signalé auparavant son intention de bifurquer. . Deuxièmement, ils n'ont pas l'air de maitriser leurs gabarits. Ils essaient aussi de se faufiler, généralement dans des espaces où leur chargement lui, passe difficilement. Ils sont actuellement la plus grande cause de rayures et de chocs mineurs sur les carrosseries. Bien sûr, ça reste bénin, mais les carrossiers n'ont jamais travaillé gratuitement.
Maintenant, parlons les taxis. Eux, ils pensent pouvoir s'arrêter et repartir à leur guise, sans utiliser de clignotant ou sans regarder leur rétro, pour prendre et décharger leurs clients. Une proportion non négligeable d'entre eux n'est pas propriétaire des véhicules qu'ils utilisent, et par conséquent, ils s'en foutent des dégâts éventuels sur leur voiture. Tout ce qui leur importe c'est de gagner du temps. Celui qui va forcer le passage avec un taxi a de fortes chances de perdre son bras de fer. Il va finir avec des rayures qu'il devra payer pour enlever, pendant que le taxi s'en foutra des dégâts sur sa voiture. Le soir après le service, il expliquera au patron qu'un monsieur l'a gratté et s'est enfui.

Pour finir, je vais parler des piétons, mais pas n'importe lesquels, ceux de Ndokoti. Il m'est arrivé de ne pas avoir de voiture et de devoir marcher dans cette zone. Je me suis toujours à traverser prudemment et à rester sur le trottoir. Mais cette attitude n'est pas le cas de tout le monde. Certains piétons contribuent hautement à l'anarchie qui règne en ce lieu. On traverse n'importe où, n'importe comment, on supplie les voitures de s'arrêter parce qu'on veut passer, on marche directement sur la chaussée... Pourtant, il y a des feux qui fonctionnent. Mais comme les motos, les piétons considèrent qu'ils ne sont pas concernés. Le résultat premier sont ces embouteillages permanents qui règnent à Ndokoti. Je suis d'avis que le fameux échangeur que tout le monde réclame à cet endroit n'est pas encore nécessaire. Si les Camerounais arrivaient à faire preuve d'un minimum de discipline, on respirerait un peu mieux dans cette zone.

Je peux m'étendre encore et encore, et poursuivre mon coup de gueule advitam eternaem. J'en ai particulièrement marre du stress permanent dans lequel je me retrouve chaque fois que je dois prendre le volant. J'en viens presque à envier les baos de Yaoundé et leurs grosses cylindrées qui se font vider la route systématiquement lorsqu'ils veulent passer. Si je pouvais aussi avoir cette chance, j'aurais certainement la migraine moins souvent.

Je souhaiterais sensibiliser chacun de mes compatriotes. Comme dans la plupart des secteurs; on a beau désigner le premier coupable Paul Biya, mais en réalité chacun de nous apporte sa pierre à l'édifice du désordre ambiant. Avez vous des fusils pointés sur vos tempes lorsque vous allez boire "quelques" bières et que vous vous retrouvez à prendre le volant pour finir encastrés dans des mûrs? Entendez vous une voix depuis Etoudi vous susurrer d'essayer de forcer et de vous faufiler pendant les embouteillages parce que vous ne pouvez pas patienter? Qui vous oblige à vous comporter de façon indisciplinée et incivique? Quand vous êtes repris, n'êtes vous pas les premiers à dire "aah, celui là se prend pour qui?"

Finalement, on n'a que le pays qu'on mérite.

lundi 27 mars 2017

J'ai donc été à Bota Beach House....



Bonjour à tous

Je ne sais pas si je l'ai souvent dit ici, mais un de mes passe-temps favoris est le voyage. N'étant pas assez riche pour m'offrir des séjours à travers la planète, j'essaie autant que possible de me rattraper au niveau local, surtout que nous avons quelques pépites au Cameroun qui valent vraiment le détour...
Dès que je m'ennuie ou que l'opportunité se présente,  et que j'ai quelques CFA qui traînent (évidemment ce n'est pas gratuit), je m'évade : Ouest, Sud-Ouest, Nord, Sud.... J'avais établi en 2013 une checklist de lieux à visiter que je n'ai même pas encore terminée, en grande partie à cause de Boko Haram, et de ma voiture pas adaptée à certaines routes....

Ce weekend, j'ai enfin eu l'opportunité de me rendre dans un lieu dont on ne m'avait dit que du bien jusqu'à présent : Bota Beach House, à Limbe. A chaque fois que j'ai essayé de m'y rendre par le passé, il y a eu un couac : voyage annulé à la dernière minute, pas de chambres disponibles... Les photos, les retours d'amis plus que conquis avaient fini par transformer en obsession mon envie de se rendre à cet endroit...

Ce weekend, j'ai donc enfin pu réaliser ce fantasme. Et comme pour tout fantasme qui se réalise, il y a la déception inéluctable.
Vendredi, nous avons appelé pour réserver une de leurs chambres "normales" (à 50.000 francs la nuitée quand même), et avons appris avec un peu de dépit qu'elles étaient prises, et qu'il ne restait qu'une suite à 95.000 francs CFA. Comme j'étais vraiment en mode "ballin" et que j'avais absolument besoin de m'évader, j'ai insisté pour qu'on la prenne quand même.

Entre nous, à 95.000 francs la nuit, j'ai le droit de m'attendre à quelque chose de fabuleux non? En terme de cadre, d'infrastructures mais aussi d'aménagement... Pour la petite histoire, lors de mon dernier déplacement à Kribi, nous avons opté pour un Airbnb à 100.000 francs la nuitée,  avec 5 chambres, des douches ultra-modernes, des meubles dans un état impeccable et des lits douillets dans toutes les chambres.... Il ne manquait vraiment que la piscine. Je me suis donc dit qu'avec 95.000 francs, nous devrions être dans un cadre parfait.



Nous voici donc à Limbe. On note l'accès un peu difficile à la maison d'hôtes, mais je ne leur en tiens pas vraiment rigueur. Être situé en bord de mer généralement demande des sacrifices en termes d'accès. Je suis charmée à l'arrivée : jolie petite entrée, très boisée, gazon impeccablement tondu,   piscine avec en arrière plan la vue sur la mer, et surtout l'espace pour que les enfants courent et jouent.




A notre arrivée, il y a quelques clients qui sont dans la piscine et je remarque qu'elle est assez petite et ne peut pas vraiment être partagée... Qu'à cela ne tienne, j'aime le cadre. Nous devons d'abord prendre nos quartiers. Nous sommes accueillis par le gérant des lieux, qui nous guide vers notre suite.






Là, première GROSSE déception. Elle est minuscule. Vraiment minuscule. Je ne donne pas plus de 12m² pour le petit salon, pareil pour la chambre. Au salon, une grande télé et un canapé d'angle un peu vieillot. D'accord, elle donne vraiment sur la mer avec une grande baie vitrée mais la vue seule ne peut absolument pas justifier le tarif appliqué. Pire, le lit : un mètre sur un mètre quatre vingt. Alors imaginez deux adultes, un à 1m76 et l'autre à 1m90 qui doivent se serrer dessus. La moindre des choses aurait été un King Size Bed, mais on comprend vite que ça aurait été impossible vu la taille de la chambre. D'ailleurs dans la chambre, la télévision est minuscule. Une autre découverte très désagréable : Aucune des deux clims ne marche. Celle du salon crache de l'air en mode ventilateur, pendant que celle de la chambre s'arrête d'elle même toutes les deux minutes. Problème de tension on nous dit. Le problème sera résolu. Quand? Bientôt.


Jusque là, aucun de nous ne se plaint, malgré la chaleur cuisante et nous ouvrons juste grand les fenêtres pour laisser le vent entrer. Il faut dire que la semaine a été difficile et qu'on est même prêts à pardonner, pourvu qu'on ait un séjour agréable. La maison ne propose pas de cuisine, il faut donc commander à l'extérieur. C'est un point qui a été souligné à l'avance donc pas de mauvaise surprise et après avoir réussi à joindre le numéro du restaurant communiqué, nous décidons de profiter de la piscine désormais vide avec un couple d'amis qui nous a rejoints et qui crève de chaleur dans la suite, en espérant que les problèmes qui peuvent être résolus le seront durant le temps de détente. En précisant que nous nous rabattons sur la piscine parce que nous réalisons que nous avions tort en pensant qu'on disposerait d'une plage privée. Sur la piscine, rien à dire. En réalité, le cadre est l'atout principal de Bota Beach House. Si ce n'est le seul.

Après la piscine, je décide de prendre une douche. Je me rends compte que l'eau coule à peine et je le signale à une des employées de la maison. Elle me dit qu'elle va remettre la pression. Ok. Je décide donc de manger d'abord. C'est là que nous constatons qu'il n'y a aucun couvert à disposition, et qu'il faut tout demander, y compris les verres. Pas de soucis, nous demandons et on nous les apporte. Ils sont immédiatement TOUS emportés après utilisation, nous laissant perplexes : serons nous obligés systématiquement de boire à la trompette lorsque nous le voudrons? Ou faudra-t-il toujours fouiller toute la propriété pour trouver un employé qui pourra donner un verre?

Après avoir mangé et digéré, je veux enfin reprendre cette fameuse douche. Et l'eau ne coule toujours pas correctement. Je me débrouille donc comme je peux.
 J'aperçois le jaccuzzi dont je comptais bien profiter dans la soirée (à ce tarif!!!) et je demande à l'employé que je croise si il est utilisable, et il me répond non. Problèmes de tensions. Ok.

Entre temps, la clim ne marche toujours pas.

On parle toujours de 95.000 francs CFA la nuitée. Et aucun de nous ne s'est encore plaint.

Nous décidons autour de 17h d'aller profiter de Limbe. De retour autour de minuit, nous sommes accueillis par le responsable que nous avons vu à notre arrivé. Alors que je m'attends à ce qu'il nous présente des excuses pour les problèmes de la journée, il nous apostrophe plutôt sur le fait que nous avons utilisé la piscine avec des personnes extérieures à la maison, en insistant dessus. "We don't function like that". Très bien. Il nous raconte comment son patron était présent dans la journée et il a du nous faire passer pour ses invités pour que ces derniers ne demandent pas que nous payons un supplément.  Je lui demande si la clim et l'eau marchent, comme pour lui rappeler qu'en réalité, nous sommes très loin d'être satisfaits de ce qui nous est proposé, et là il nous répond sans aucune gêne : "bien sûr, vous aurez tellement froid que vous risquez de fuir la chambre". Pour le coup, j'ai vraiment décidé de rester tranquille. Je mourrais d'envie de lui dire que si j'avais su que les personnes que nous avions aperçues le matin étaient les propriétaires de la maison, je serais allée vers eux pour leur dire que le service était très en dessous des attentes pour les tarifs qu'ils pratiquaient. Et surtout, si ils avaient commis l'erreur hasardeuse de venir nous demander un supplément parce que deux invités étaient avec nous dans une piscine vide à cet instant, nous serions partis de leur maison sans le moindre état d'âme. A 95.000 francs la nuitée, je réitère, il y a un minimum qui est attendu et nous étions trop loin pour que ça soit sa première préoccupation.

On ne dit donc rien et on va se coucher, avec déjà la ferme conviction que c'était notre premier et dernier séjour à Bota Beach House. Effectivement, la clim de la chambre marche à notre arrivée mais pendant deux heures seulement. Après deux heures, le cirque de l'arrêt intempestif reprend. Donc autour de 5h du matin, la chaleur s'est à nouveau bien installée. Et pendant tout le temps, la clim du salon continue en mode ventilateur, un mode qu'elle n'a jamais quitté.

Le lendemain matin, le réveil n'est pas simple. Il faut dire que le lit, en plus d'être petit, n'a rien de confortable. Après la douche, nous n'avons même pas souhaité nous éterniser là et nous sommes préparés à partir directement. Surtout qu'il n'y avait évidemment pas moyen de prendre le petit déjeuner sur place. Sauf que pendant trente minutes, il a fallu chercher quelqu'un dans toute la maison pour payer, tous les employés étant vraisemblablement absents. C'est ainsi que nous nous sommes rendus compte en visitant l'intérieur que la maison est en fait la résidence secondaire d'une famille qui la rentabilise, avec les dépendances (les fameuses suites) en mettant en location. Et que les chambres à 50.000 francs CFA s'apparentaient à des chambres d'adolescent, avec une des chambres qui n'est même pas équipée d'une douche et dans laquelle les occupants sont obligés de sortir dans le couloir pour accéder à la salle de bains et aux toilettes.

Donc en gros, un airbnb à Limbe avec les tarifs du Hilton à Yaoundé. Merci bien.

J'avoue que j'ai été très désagréablement surprise. Comme je l'expliquais plus haut, je n'avais eu QUE des retours positifs sur cette maison d'hôtes, tellement positifs que j'ai fait fi des prix très (trop) élevés en me disant qu'il devait bien y avoir quelque chose de particulier. Mais j'ai constaté avec consternation qu'en dehors du cadre, le reste du service ne suivait pas du tout. Je ne sais pas si nous avons joué de malchance, ou si la notoriété de la maison commence à monter à la tête du gérant qui en oublie les services les plus élémentaires.

Dans tous les cas, avec l'essor des Airbnb au Cameroun, Bota Beach House va être obligée à terme de revoir sa politique, au niveau des tarifs ou niveau des services proposés. De plus en plus de personnes investissent dans des résidences secondaires et proposent des locations saisonnières. Si aujourd'hui, le choix en bord de mer reste limité à Limbe, je ne doute pas un seul instant que d'ici quelques années, il y en aura plus. Et personne n'acceptera de payer 95.000 francs pour ce que nous avons eu.
A Kribi, à titre d'exemple, une maison de cet acabit peut être trouvée autour de 150.000 à 200.000 francs la nuitée, et je parle de la maison entière, avec piscine et accès à une plage privée. Peut être que c'est fait exprès pour filtrer les visiteurs, mais dans tous les cas pour l'instant, le rapport qualité-prix est très mauvais. Pour la taille de la suite mise à notre disposition, un tarif de 60.000 francs maximum aurait été acceptable, et bien sûr sans les problèmes de climatisation et d'eau.

Je finis quand même sur une note positive, qui est le cadre à couper le souffle.... J'espère vraiment que le service va s'améliorer.





mercredi 8 mars 2017

Lettre à ma future fille


Hello Mademoiselle,

A la veille de la journée internationale de célébration des droits de la femme, je me suis laissée aller à une petite réflexion sur la place de la femme dans la société camerounaise d'aujourd'hui, et sur les différents challenges auxquels elle est confrontée. A la suite de cette réflexion, je me suis dit qu'il était opportun que je t'adresse ce petit message, en préparation du jour où éventuellement Dieu voudrait bien que tu arrives sur cette terre. Une femme avertie en vaut deux.

Je ne te cache pas que je ne suis pas du tout sereine en pensant à ton éventuelle venue. Pourquoi? Parce qu'être une femme aujourd'hui, ce n'est pas du tout facile. Élever une fille, lui inculquer les valeurs auxquelles on croit, l'est encore moins. La peur d'échouer est beaucoup plus grande quand je pense à ta future éducation et aux conditions dans lesquelles tu vas être élevée.

On parle de féminisme, de se battre pour et défendre les droits des femmes. Mais mon avis est que les droits les plus importants sont négligés, au profit du droit de faire n'importe quoi. Et cette perversion dans la recherche d'une émancipation dont on ne comprend plus très bien l'objectif conduit à une perte totale de repères pour les jeunes filles.

Tu arriveras dans un monde où des Kim Kardashian de toutes les versions sont célébrées sur les réseaux sociaux, dont je ne doute plus de l'influence forte. Des filles sans talent particulier, si ce n'est celui de savoir mettre en valeur leurs atouts corporels, drainent des millions d'admirateurs, des milliers à l'échelle camerounaise. Aucune activité professionnelle suffisamment bien rémunérée ne leur est connue, mais elles affichent ostentatoirement leur niveau de vie, des accessoires de luxe, des voitures. Une horde d'admirateurs les encensent, faisant semblant d'ignorer au final que tout ce matériel n'a été acquis qu'à la sueur de leurs fesses dans des conditions parfois très sombres. Le rappeler c'est se faire taxer immédiatement d'aigrie ou de jalouse.

Tu seras un jour une adolescente influençable. Tu passeras sans doute par cette phase hautement vulnérable où tu auras également envie de susciter l'admiration chez les hommes, la jalousie chez les femmes, être connue et reconnue. Tu auras envie d'être aussi belle qu'une X ou une Y, et d'être parée des plus beaux articles de luxe. Nous sommes toutes passées par là, à un moment de nos vies, nous avons souhaité être ce genre de femme qui polarise l'attention et dont le physique finit par devenir le fond de commerce. Tu y arriveras aussi, et tu seras submergée par des Facebook, Instagram, Twitter, où ce type de femme est célébrée. Il faudra que je t'apprenne à ne pas perdre le Nord, à ne pas croire que tout ce qui brille est or, et à sacraliser ton corps qui reste le sanctuaire de ton âme.

Il faudra également que tu apprennes à t'aimer et à t'apprécier telle que tu es, et à gérer des complexes inéluctablement amplifiés par une société qui continue de réduire les femmes à leur physique. Tu pourrais ne pas correspondre aux canons de beauté en vigueur à ce moment. Tiens, aujourd'hui, la femme convoitée a des formes, et un teint clair. Un nombre incalculables de femmes aujourd'hui se sentent obligées de correspondre à cet idéal de beauté. Elles sont des millions à payer pour des augmentations mammaires ou arrondir leurs fessiers, et à se décaper, au mépris des règles élémentaires de prudence. Je ne considérerai avoir réussi que lorsque j'aurai réussi à t'insuffler suffisamment d'amour propre pour t'apprécier telle que tu seras, et à ne pas fonder ta valeur que sur des arguments physiques, qu'au final le premier chirurgien esthétique venu serait en mesure de te fabriquer.

Tu l'auras compris, ton physique aura un grand impact sur ta vie. Et pendant qu'un pan du féminisme s'attelle à défendre le droit des femmes de s'en remettre à ce physique, et d'user de leurs corps comme bon leur semble, au risque de pervertir la société,on ne met pas suffisamment d'efforts à se battre pour faciliter notre épanouissement dans d'autres domaines.

Tu viendras au monde dans une société africaine où tu seras d'abord définie par rapport à ta situation matrimoniale. Il sera attendu de toi que tu te maries, idéalement avant trente ans, au risque de subir les remarques désobligeantes des uns et des autres. Tu entendras peut être un jour un hurluberlu déclarer qu'être non mariée à trente ans fait de toi une pute. Tu devras gérer cette pression, et apprendre à ne pas y céder en t'unissant à la mauvaise personne pour les mauvaises raisons, simplement pour toi aussi passer devant un maire. Le nombre de plus en plus élevé de divorces de nos jours devrait interpeller tous ces partisans du mariage à tout prix, mais on préfère pointer un doigt accusateur vers la perte de nos valeurs ancestrales. Comprends qu'on voudra parfois te refuser le droit de prendre ton temps, et de faire tes choix, y compris celui de rester seule à certains moments.

Dans cette société qui est la notre, ta souffrance physique et morale continue d'être banalisée. Aujourd'hui encore, une femme battue qui se rend au commissariat rencontrera peut être de la compassion, mais aussi quelques personnes qui n'hésiteront pas à lui dire qu'il s'agit là d'un des aléas du mariage et qu'elle devrait penser à protéger son conjoint en lui évitant la prison. Oui, malheureusement, aujourd'hui encore, la violence aux femmes n'est pas toujours pas traitée avec la fermeté qu'il faudrait. Aux femmes perpétuellement humiliées et rabaissées par les infidélités de leurs maris, on dira que l'homme est faible et que c'est inévitable, car ils sont tous infidèles. Tu seras invitée à ronger ton frein et à fermer les yeux quand ton cœur saigne. Dans les couples où il est difficile d'avoir un enfant, tu verras les regards se tourner immédiatement vers la femme, les mauvaises langues parler de stérilité ou fausses couches à répétition qui auraient endommagé son utérus, quand il pourrait s'agir d'un simple cas d'azoospermie. La stérilité a beau être un mot féminin, elle concerne pourtant les hommes et les femmes, un fait que cette société à tendance fortement machiste choisit encore en majeure partie d'occulter.

Tu seras une femme, je l'espère intelligente et qualifiée dans le domaine qu'elle choisira. Mais de nombreux écueils t'attendront. Il te sera demandé de ne pas en faire trop, de peur d'intimider l'homme. On te dira qu'il vaut mieux ne pas être trop intelligente, trop diplômée, ou trop bien payée. On te demandera toujours de ne pas viser le sommet, au risque de ne pas pouvoir trouver ton âme sœur, qui devra nécessairement se situer au dessus de toi. Oui, notre société misogyne et machiste a encore ce genre de considérations, qui s'étiolent heureusement avec le temps. Aujourd'hui, je vois certains hommes forts être fiers de leurs épouses aux parcours brillants. Ne renonces surtout pas, et gardes en tête que celui qui t'aime devra aimer tes ambitions.
Une fois dans le monde professionnel, le combat commencera. Le harcèlement sur lieu de service concerne aujourd'hui en majorité des femmes, et ton physique pourrait finir par devenir un handicap pour toi, là où seules tes capacités intellectuelles devaient se faire valoir. Combien de femmes aujourd'hui doivent repousser les avances de leurs supérieurs avec beaucoup de tact et de diplomatie, car ces derniers ne risqueraient pas grand chose en cas de dénonciation? Combien de femmes aujourd'hui sont injustement accusées de promotions canapés et doivent faire face à des quolibets et des ragots quand elles n'ont fait que récolter les fruits de durs efforts? Tu ne le sais pas encore, mais une analyse comparative des salaires montre qu'à niveau égal, les femmes gagnent encore moins que les hommes. Tu devras donc fournir plus d'efforts que tes confrères masculins pour prétendre aux mêmes choses. Au moment de te récompenser, on gardera toujours en tête que tu peux potentiellement être enceinte, que tu dois consacrer du temps à ta famille. Et on se retrouvera à brider, consciemment ou inconsciemment, tes ambitions sans tenir compte de ce dont tu es capable et de ce que tu veux pour toi.

Tu verras par toi même une fois que tu seras là. Il sera attendu de toi que tu sois forte, très forte, pour garder la tête haute malgré tout et tracer ton petit bout de chemin. Je tiens à te dire que tu auras quand même des modèles de positivité et de réussite féminine, car aujourd'hui il y en a des milliers que j'ai la chance de croiser tous les jours, connues ou inconnues : Des femmes qui ont réussi à s'imposer et à se faire respecter dans cette société, qui ont refusé de se laisser prendre dans l'étau des conventions, ont recherché le bonheur selon leurs propres termes, dans la dignité, le culte de l'effort et de l'apprentissage, le respect des autres. A toutes ces femmes, je souhaite une excellente journée de célébration de leurs droits, et je les encourage à continuer à demander plus à la vie, à laquelle elles donnent déjà tant. Et à toi ma fille, je te dis, à bientôt j'espère.

jeudi 16 février 2017

Aux Couples Qui Rentrent S'Installer

Quand on pense au retour au pays, on pense surtout au volet pratique. 
"Aurai je un emploi convenable?" 
"le salaire suffira-t-il?"
"Vais je m'habituer aux mentalités de désordre?" 
"Et l'éducation des enfants". 
Il y a un autre aspect, qui concerne surtout les couples mariés ou pas, qui ont déjà établi leur routine en Europe et doivent revenir : l'impact de la famille sur la stabilité du couple.
Une phrase de Maahlox résume parfaitement la situation : "Je porte mon pantalon, je suis debout, c'est toi que ça serre".
Un seul mot : ingérence
Chez nous, l'ingérence matrimoniale est de mise. Si vous décidiez tous les deux en Europe de vos arrangements, sachez qu'au Cameroun, tout le monde estimera avoir son mot à dire. Vos modes de fonctionnement seront scrutés à la loupe, commentés et jugés par votre famille proche ou éloignée, qui estimera avoir le droit de vous dicter ce qui est correct ou pas.
Cela peut très vite devenir étouffant et parfois même faire aboutir le couple à une explosion qui n'aurait jamais eu lieu si vous aviez maintenu les 6.000km de distance en tampon. 
Prenez en compte cet aspect avant de vous décider. Et n'oubliez pas : le visage qu'une belle-mère ou belle-soeur vous montre en une semaine de passage chez vous, n'a rien à voir avec celui que vous verrez quand la proximité augmentera.


Je vous laisse avec cet échange, certes fictif en lui même, mais inspiré d'une multitude d'histoires que j'ai entendues autour de ce sujet.Vous pouvez avoir de la chance, mesdames, et avoir des anges comme belle-famille. Mais assurez vous bien d'avoir les côtes solides avant de revenir.
*********
Courrier d'une belle-mère à sa belle-fille

Chère Belle-Fille,

Mon Fils (ton Mari), m'a informée que vous comptez vous installer d'ici quelques mois ici au Cameroun. C'est une excellente nouvelle. Il est juste dommage que vous ayez choisi de vous installer à Douala alors que toute sa famille réside à Yaoundé. Il semblerait que ce soit une décision que tu as imposée parce que tu ne souhaitais pas te faire envahir par nous. Qu'à cela ne tienne.... Désormais vous ne serez plus qu'à quelques heures de route de moi, contre un billet d'avion, un visa et six heures de vol précédemment. C'est déjà une grande avancée. Je vais pouvoir profiter de ce rapprochement géographique pour remettre les pendules à l'heure.

C'est un honneur que nous t'avons fait de t'accepter dans notre famille. Comment vous viviez en France ne concernait que vous deux, comment vous vivez ici, nous concernera nous tous, car vous portez tous notre nom. L'éducation de vos enfants, vos choix de vie, ne pourront plus se faire aussi égoïstement que vous le faisiez jusqu'à présent. Je veux le meilleur pour mon fils et pour l'instant tu n'as pas l'air d'être à la hauteur.

Vois-tu, j'ai effectué quelques voyages chez vous ces dernières années, et je ne te cache pas que j'ai été à chaque fois très surprise et même déçue par vos modes de fonctionnement. Malheureusement, mes séjours étaient à chaque fois assez courts, et de ce fait je n'avais pas réellement l'opportunité de refaire ton éducation et de faire de toi la femme que nous aurions toujours préférée pour notre fils.Vivre dans une société pseudo-égalitaire t'a donné l'illusion que tu pouvais émasculer le seul garçon de ma famille. Maintenant que vous revenez au Cameroun, saches ceci : Ici ce n'est pas la France.

Il sera hors de question que mon fils entre dans la cuisine, ne serait ce que pour se prendre un verre d'eau. J'ai cru m'évanouir le jour où je l'ai vu réchauffer un repas de lui même, sous prétexte que tu n'étais pas encore rentrée du travail. Tes obligations professionnelles ne passeront jamais devant tes obligations conjugales, saches le, et tu dois te débrouiller pour que le plat de ton mari soit sur la table avant qu'il ne soit là lui même. Une fois au Cameroun, ne t'imagines pas une seule seconde que tu vas pouvoir t'appuyer sur un cuisinier ou une cuisinière pour s'acquitter de cette tâche à ta place. En 40 ans de mariage, mon mari n'a jamais mangé sous notre toit un repas préparé par quelqu'un d'autre que moi et je compte bien m'assurer que mon fils reçoit le même traitement.

Un jour, vous receviez un couple d'amis.... Mon fils a du se lever pour aller chercher les verres, ouvrir les boites d'olive lui même et les disposer dans des bols pour les invités, sous prétexte que tu étais trop occupée à la cuisine à surveiller quelque chose au feu!!! Mon fils que j'ai élevé comme un homme se transforme en animal de compagnie parce que tu es incapable de t'organiser pour préparer une réception de A à Z toi même? Saches le, au Cameroun il lui sera formellement interdit de lever le moindre petit doigt pour te venir en aide dans ce genre de cas. Tu n'auras qu'à te réveiller à cinq heures pour être en mesure de tout apprêter.

Un autre soir, j'ai vu mon fils se transformer en baby-sitter, parce que tu avais décidé de faire une sortie avec tes copines. Tu étais rentrée à près de 23 heures ce jour là! Quelle abomination! Quelle femme mariée qui se respecte va abandonner ses enfants, soit disant pour aller prendre un verre avec ses copines, non mariées d'ailleurs? De quoi pouvez vous bien parler, quand tu as déjà été dotée et qu'elles sont encore en chasse? Au Cameroun, je pense que mon Fils aura tôt fait de te discipliner. Tu ne saliras pas son nom en vadrouillant avec n'importe qui dans des endroits où une femme mariée qui se respecte ne saurait aller.

Je me rappelle aussi de ce jour où j'ai parlé à mon fils d'une opportunité de terrain à Odza. Sa réponse : "Attends que j'en parle à ma femme". Et toi bien sûr de lui déconseiller de le faire sous prétexte que vous avez déjà un projet en cours à Douala et que la pression financière serait trop lourde à supporter. Je me suis retenue ce jour de te renier. Qui es-tu pour penser que tu vas empêcher mon fils de suivre mes conseils? Qui es-tu pour penser que l'argent de mon fils t'appartient aussi et que vous devez décider ensemble de ce qu'il en fait? Nous avons vécu des décennies avec des hommes dans ce pays sans voir la moindre fiche de paie et tu penses que tu vas révolutionner les choses au point de décider avec lui de ce qu'il va faire de cet argent? Apprends à rester à ta place. De toutes les façons, je l'ai dit plus haut, la distance pouvait te permettre certains écarts, une fois ici, tu comprendras ce qu'est être une femme.

Je veillerai personnellement à ce que le foyer de mon fils fonctionne dans les règles, quitte à ce que je sois régulièrement présente chez vous. Prépares toi donc car je ne te laisserai pas de répit. Bonne fin de séjour en Europe.


*********
Courrier de la mère de la belle-fille à la belle-mère

Chère soeur,

C'est avec une grande joie que j'apprends que tu vas profiter du retour de nos enfants au Cameroun pour apprendre à ma fille les rudiments d'une bonne épouse. Je t'en suis très reconnaissante de corriger là où j'ai échoué, car je sais que tu es un modèle. La preuve, tu es toujours mariée aujourd'hui, après plus de 40 ans, malgré le fait que ton mari soit installé depuis près de dix ans chez une autre femme. Je veux par ce courrier t'assurer que tu auras toujours tout mon soutien et celui de mon mari. D'ailleurs, j'ai suggéré à ma fille de ralentir sa carrière pour se mettre à ton entière disposition et celle de son époux, mais l'idée n'a pas du tout l'air de plaire ton fils qui l'a épousée pour son dynamisme. Je te conseille donc de t'assurer que ta vision de leur couple épouse bien la vision qu'eux mêmes ont de leur couple, car après tout ce sont les premiers concernés. Il serait dommage que tu te fatigues pour rien. A bientôt!


mercredi 11 janvier 2017

Terrain, mon beau terrain

Bonjour les gens!!!!

On commence par l'incontournable "Bonne année". Oui, moi non plus, je ne vais pas me soustraire des habituels vœux, qu'il faut souhaiter à toute personne à qui on s'adresse pour la première fois en 2017. Et ça va durer jusqu'en Mars environ, au moment où tout le monde, d'un commun accord, aura réalisé que le train de 2017 est en régime permanent. Donc bonne année... Santé, paix intérieure, amour, argent, bref que chacun de vos souhaits soit réalisé. Je vous le souhaite vraiment, à vous et à vos familles....

La nouvelle année a été l'occasion pour moi de faire un peu le bilan de ce blog, que j'ai initialement lancé pour documenter un peu mon retour au pays, histoire d'encourager (ou pas) ceux qui voulaient franchir le pas. J'avoue que je me suis écartée de cet objectif initial, pour une seule et bonne raison : généralement, j'écris suivant l'inspiration du moment. Et si mon inspiration provient à l'instant t de la mauvaise gouvernance dans notre pays, et bien, vous aurez droit à un billet d'humeur...politique. J'ai quand même pris une (bonne?) résolution, c'est celle de maintenir un rythme régulier d'articles à destination du public initial visé. Oui,  je vais vraiment m'efforcer d'aborder les sujets qui vous ont intéressés à la base dans mon blog. Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de temps à autre de bifurcation, mais déjà 2017 devrait être un peu différente de 2016, en mieux. Enfin, je l'espère... Les bonnes résolutions qui ne sont respectées que le temps des vœux de bonne année, on les connaît aussi.

Bref. Pour le premier article de 2017, j'aborde un sujet qui fait la une au tribunal de Ndokoti tous les jours. Si vous vous ennuyez un jour, faites y un tour. Vous allez constater que la majeure partie des cas à traiter au cours de la journée portent sur des litiges fonciers : Escroquerie, ventes multiples, détournements, etc, etc...

Le terrain exerce une véritable fascination sur la majeure partie des individus en âge adulte, moi y compris. Dès qu'on travaille et qu'on a un semblant de stabilité, pour la plupart, l'acquisition d'un lopin de terre est un passage obligatoire. Chez nous au Cameroun, la notion de propriété est encore étroitement liée à la terre. Etre propriétaire d'un appartement? Oui, éventuellement pour le remettre en location. Qui ne rêve pas de sa demeure, de sa cour, et de son jardin éventuel?
Alors, on se lance dans une course effrénée, où on cherche la meilleure occasion de terrain possible. Et justement dans cette bataille, les arnaqueurs n'en finissent pas de trouver leurs pigeons. Je n'ai malheureusement pas suffisamment d'expérience dans le domaine pour vous donner des conseils très avisés ou inventer l'eau chaude... Je suis moi même toujours en recherche active et chaque jour est l'occasion de tomber sur un nouveau cas qui me sidère...Je n'ai certainement vu encore qu'un très petit bout de l'iceberg.

Ma première expérience de recherche de terrain remonte à 2012, alors que j'étais encore une jeune cadre dynamique en région parisienne. J'avais réussi à économiser 5000 euros, donc environ trois millions de francs CFA, que je pensais suffisants pour acheter ne serait ce que 300m² quelque part sans avoir recours à un crédit supplémentaire. Non, vraiment, je pensais que j'avais tué hein. J'étais vraiment sûre de moi et naïvement persuadée que les dix jours de mon séjour suffiraient à me faire clôturer une affaire intéressante. Après tout, n'est ce pas j'avais le cash?

Un de mes oncles que j'ai contacté auparavant et qui m'encourageait dans la démarche a été catégorique : il fallait chercher uniquement les terrains déjà titrés pour éviter les problèmes. Je ne savais pas ce qu'il en était réellement du marché, donc j'ai juste dit OK.
J'ai très vite déchanté quand on a commencé à me proposer les terrains à la portée de mon budget : Terrain titré de 200 mètres carrés à PK19 à 15.000 francs le mètre carré. Terrain titré à Bonendallè, 300 m² à 10.000 francs le mètre carré. Voilà ce qu'on me proposait alors, à moi l'enfant Douala de Bali qui a grandi entre Bali, Bonapriso et Akwa, et qui voyait le reste de la ville de Douala comme une autre ville. Rien de mieux du coté des organismes officiels. Les terrains étaient toujours trop loin à mon goût.
J'ai quand même fait l'effort d'aller visiter un terrain du coté de PK quelque chose (au dessus de 17). Je me suis endormie au cours du trajet, et à l'arrivée, j'étais persuadée que nous étions déjà à Yabassi. Lorsque j'ai osé dire à haute voix que c'était loin, le démarcheur m'a regardé avec de gros yeux
"Noooon, il faudra revenir dans cinq ans, ce sera plein ici. Il y a l'université en construction ici et l'autoroute va passer par là".
En attendant, il n'y avait pas âme qui vive aux alentours, et je pouvais entendre les oiseaux chanter.  L'oncle qui avait bien voulu m'accompagner m'a lâché sur un ton très pragmatique :"Ma fille, accroches ton sac où tu peux l'accrocher, tu veux acheter un terrain de quel côté avec tes miettes là?". Rien de mieux pour redescendre sur terre.
Ce que j'ai trouvé très louche à l'époque, ce sont les largesses auxquelles a consenti le vendeur du terrain que nous visitions lorsqu'il a compris que j'étais liquide. De 15.000 francs, le terrain est passé à 9.000 francs. Il était prêt à vendre tout, tout de suite, ce qui nous a finalement mis la puce à l'oreille. Nous avons commencé à prêter plus d'attention au terrain en question et avons fini par remarquer des bornes qui semblaient avoir été récemment posées. Mon oncle m'a soufflé qu'il pensait que quelqu'un avait déjà probablement avancé de l'argent pour le même terrain, d'où la présence des bornes. J'ai fini par abandonner cette offre. 
Je suis repartie à Mbeng avec mon argent, en pensant reculer pour mieux sauter. Bien sûr, j'ai tout gaspillé, dans des choses qui n'ont aujourd'hui pas d'importance. Si on me remet cinq ans en arrière, j'achète un terrain, sans la moindre hésitation, parce qu'aujourd'hui, les choses ne se sont pas améliorées, bien au contraire....

Les terrains sont toujours chers, trop chers, même quand ils sont situés dans des zones éloignées, mal desservies et très peu sécurisées. On vous demande de payer une fortune et de miser sur l'avenir, un développement qui d'après les vendeurs ne manquera jamais d'arriver plus vite qu'on ne l'imagine. J'ai eu l'opportunité de visiter des terrains qui me donnaient l'impression d'être en forêt profonde, et pourtant le vendeur/démarcheur m'a regardée droit dans les yeux sans sourciller et m'a annoncé que le mètre carré s'élevait à 10.000 francs. Et bien sûr, il n'a pas manqué de me faire comprendre quand j'ai voulu discuter que quatre personnes avaient prévu de visiter le terrain après moi et que je n'avais qu'à "faire ma princesse" devant cette "affaire en or". D'ailleurs, il y a toujours un incontournable chantier à proximité, là, au milieu de nulle part. Généralement, on parle d'un individu qui est au courant des plans de développement de la ville et qui anticipe en bâtissant déjà son château.
Lorsque la route arrive, la folie commence. Du côté de Yassa à Douala, difficile d'aller en dessous de 15.000 francs le mètre carré pour des terrains déjà titrés. La SAD (société d'aménagement de Douala) met en vente des terrains au niveau de la Dibamba, en allant vers Edea, à 17.000 francs le mètre carré. Pour quelqu'un qui souhaite acquérir donc 500 mètres carrés, il faut donc prévoir un minimum de huit à neuf millions, hors tous les frais accessoires.
Je ne sais pas pour vous, mais moi je trouve que c'est énorme, quand on connait les revenus de la classe moyenne camerounaise. Les spéculateurs ont fait leur travail, et cette flambée des prix fait qu'aujourd'hui les honnêtes citoyens prévoient de se construire dans des zones où on n'a même pas encore rêvé de faire des plans d'urbanisation.

La frénésie qui s'est emparée de tout le monde dans cette histoire de terrain a abouti à la prolifération de gens dont la profession est vendeur de terrains. Parmi eux, il y a un nombre incalculable d'escrocs à la recherche de pigeons. Ils vous font miroiter des bonnes occasions, vous délestent de votre argent et vous laissent aller vous embrouiller devant les tribunaux. Je n'ai pour l'instant encore assisté à aucun dénouement d'un litige foncier. Les cas que je connais vont de renvois en renvois, et peuvent s'étaler sur plusieurs années dans les tribunaux. Rien n'est fait pour décourager les arnaqueurs qui continuent gentiment leurs activités.

Le cas le plus courant dont il faut se méfier, c'est ce cas où le vendeur se présente comme le représentant d'une communauté villageoise dans les alentours de Douala (ou de Yaoundé, tiens), qui voudrait se séparer de "quelques" hectares de son domaine pour mettre en valeur le reste. C'est le coup classique des bandits. Souvent ils n'ont absolument aucun mandat des vrais propriétaires, arrivent à trouver des notaires tout aussi véreux qui leur fournissent les documents nécessaires pour donner de la légitimité à leur discours. Parfois aussi, ils font partie d'une branche de la famille, en conflit avec l'autre branche de la famille.
Généralement, le prix très bas est ce qui attire les futurs acheteurs. 5000 francs par exemple, lorsque le cours du terrain normal dans la zone est autour de 10.000 francs. Il y a toujours une explication logique à ce prix au rabais. Les zones étant encore quasiment vierges, les acheteurs attendent souvent plusieurs années avant de commencer à bâtir quoi que ce soit sur le terrain. Et c'est à ce moment que les vrais propriétaires se réveillent pour signaler le caractère illégal de la vente. On se retrouve avec des victimes de part et d'autre : le propriétaire dont le terrain est exploité sans son autorisation, et l'acheteur, qui a investi son argent dans un terrain qui en réalité ne lui appartient pas. Bien sûr, dans ce cas à mon avis, l'acheteur doit payer pour sa négligence mais nos tribunaux, dans la lourdeur et la lenteur qu'on leur connait, sont capables de faire trainer l'affaire sur des années.... Du coup, certains en profitent et foncent dans des affaires louches de façon très évidente, sachant qu'ils auront toujours l'opportunité d'exploiter le terrain plusieurs années avant qu'une décision ferme d'éviction ne soit prise. Je connais un cas de ce genre du côté de Yaoundé, où une dame a vu apparaitre des cités universitaires en pagaille sur son domaine, par des individus qui juraient avoir acheté leur terrain chez un autre individu lié ni de près ni de loin à la propriétaire.

Si vous avez la chance d'acquérir un terrain "propre", ne croyez pas que vous êtes à l'abri. Un autre type de problème peut aussi surgir, problème également très courant dans nos contrées. Si vous prêtez attention à certains terrains vierges qui nous entourent, vous remarquerez que les gens se transforment en cultivateurs et font des mini-champs sur leurs terrains. Ce n'est pas un hasard. Il faut toujours rappeler son existence en tant que propriétaire, construire au moins une barrière, et revenir régulièrement vérifier que le terrain est toujours là. Non, il ne va pas lui pousser des pieds qui lui permettront de se déplacer, mais rien ne vous empêche de venir trouver un individu lambda installé très gaillardement sur votre terrain que vous avez délaissé pendant plusieurs années.
Histoire vraie : un de mes oncles est parti s'installer avec sa femme en France en 2003, en laissant un terrain avec des fondations . Revenu en 2014, il a trouvé qu'un individu, son plus proche voisin, avait construit sa propre maison en empiétant allègrement sur son terrain. Bilan, au bas mot 150 mètres carrés grignotés par le voisin, qui ne s'est pas gêné lorsqu'il a constaté que son plus proche voisin n'était jamais là. L'affaire est devant les tribunaux depuis deux ans. Perte de temps, et perte d'argent. En attendant, le voleur jouit du bien. Faites donc très attention. Le niveau de malhonnêteté est assez élevé parmi nos compatriotes...

Je sais que tout ce que j'ai pu écrire dans ce post, vous avez déjà du l'entendre au moins une fois. Mais bien sûr, on ne mesure jamais à quel point la situation est compliquée. Il faut avoir été victime pour comprendre. Des vies ont été détruites dans ces histoires. Le maître mot est la prudence et la méfiance.

Pour ma part, ma position est simple. Il ne faut prendre aucun risque et privilégier les terrains à la situation CLAIRE. Pas question de s'embrouiller dans des histoires de communauté villageoises, ou de morcellements à effectuer dans le futur sur la base de titres fonciers qui appartiennent à un individu différent de celui qui vous fait miroiter monts et merveilles. Il faut discuter directement avec le propriétaire dont le nom est inscrit sur les documents qu'on vous montre. Et avec tous les documents déjà clairement établis, il est plus aisé de procéder à toutes les vérifications qu'il faut au niveau du cadastre avant de se décider, histoire de voir si on ne vous vends pas un terrain qui fait l'objet d'un litige ou qui a déjà un ou deux propriétaires.
En réalité même, il vaut mieux se tourner vers des organismes officiels tels que la Maetur ou la SAD. Certes, les prix sont souvent plus élevés, mais au moins la sécurité est là.  On ne peut plus être sûrs de rien ni personne lorsqu'on parle de terrain . Je répète : RIEN ni PERSONNE.


A bientôt!