mardi 19 novembre 2013

Faire des affaires au Cameroun : le guide du débutant

Hello les amis!!

Un grand m'a dit une fois qu'à la lecture de mon blog, il avait beau chercher, il ne voyait pas une seule raison pour laquelle j'étais rentrée et surtout pourquoi je n'avais pas encore pris mes jambes à mon cou. Selon lui, je ne faisais que m'attarder sur les choses négatives dans ce pays.
Bon, au premier abord, je me suis dit qu'en tant que nouveau converti au RDPCisme, il ne pouvait qu'avoir ce point de vue là. Vous savez que nos amis du parti des flammes considèrent que toute critique est une attaque à leur champion national.
Mais bon, j'aime souvent prétendre que je ne suis pas de mauvaise foi donc j'ai quand même fait un petit checking et j'ai réalisé qu'effectivement je n'avais pas encore montré pourquoi malgré tout ce qui va de travers, ça valait la peine de rentrer au Cameroun. Il y a bien des éléments qui m'ont motivée à revenir, et je vais les partager avec vous au fil des mois afin que j'aie la conscience tranquille (il ne faut pas qu'on dise demain quand j'aurai percé que je vous ai noyés en oubliant de vous parler des vraies choses).

J'ai mille et une raisons de l'avoir fait. Je vais commencer dans cet article par la plus importante, la plus terre à terre : les affaires.

Si vous êtes comme moi, que vous avez l'intention de vous mettre à votre compte tôt ou tard, le Cameroun est fait pour vous. Aujourd'hui, ce pays me fait penser à une marmite en ébullition, dont le couvercle ne veut plus tenir. Et c'est logique.
Dans l'expression "pays en voie de développement", il y a un seul terme à retenir : Voie.

Tout est à faire. Il suffit à un esprit bien affuté d'effectuer un petit séjour au Cameroun pour comprendre que le potentiel est énorme et que le niveau de cash disponible et les possibilités dépassent l'entendement. Agriculture, immobilier, services.... Oubliez la corruption, oubliez l'environnement des affaires malsain, oubliez les procédures compliquées. Rien n'est simple et ne le sera jamais, mais ça en vaut la peine.

Tiens, ça me fait penser à un de mes frères entrepreneur, qui, après avoir passé plus d'une décennie hors du Cameroun, est revenu, initialement uniquement pour des vacances. Un petit tour de la place et il a vite compris qu'il y avait un marché pour lui. Aujourd'hui, il regarde avec beaucoup plus d'intérêt. L'heure du retour n'a pas sonné mais il creuse déjà les pistes pour ses affaires...

Pour ma part, j'en avais déjà assez d'avoir des idées et des business plans prêts, à force d'observer lors de mes vacances, mais de ne rien pouvoir mettre en œuvre, faute d'être sur place. Je sais que certains rétorqueront qu'on peut toujours faire des affaires à distance, ce à quoi je répondrai que personne, même pas votre frère jumeau, ne gèrera mieux vos intérêts que vous-mêmes, et comme vous l'entendez. Donc je suis revenue, et très peu de temps après, je réalise que j'ai pris la bonne décision.

Bon, pour rester dans le concret quand même, j'ai quelques premiers conseils à donner à ceux qui sont attirés par l'effervescence économique de ce pays. Le sol est fertile, mais les pièges sont nombreux, et les serpents grouillent.

1- Restez discrets.
Si vous avez une idée, gardez là pour vous au maximum. Il y a des personnes qui n'attendent que ça, de tomber sur des personnes à l'esprit ouvert, et avec des idées innovantes, qu'elles s'empresseront de piquer. C'est un véritable championnat dans ce pays. Ce qui est malheureux, c'est que parfois les autorités que vous devez obligatoirement voir, soit pour obtenir un marché, soit pour obtenir des autorisations, sont les premières dans le coup. Vous venez exposer votre idée à une personne qui doit nécessairement donner son accord pour que la mise en œuvre soit effective, et elle s'empresse de vous sortir une raison fumeuse pour vous évincer, et confier l'affaire à une entreprise qu'elle se sera empressée de créer elle-même sous une couverture. Les cas sont fréquents. Faites donc attention, et si possible, associez vous avec des personnes dont l'aura et le nom pourraient vous couvrir. C'est malheureux, mais c'est le Cameroun. Il vaut mieux se couvrir derrière des associés, que de perdre complètement le marché.

2- Soyez patients.
Le Cameroun a un rythme qui pourrait en rendre plus d'un fou. Vous pouvez tourner des semaines, des mois, pour une décision ou une autorisation que vous devriez pouvoir obtenir en 24h dans un pays normal. Vous aurez certainement envie d'abandonner et ce serait dommage et une perte pour vous.  Accrochez vous, et meublez votre temps en attendant. Le pays va à un à l'heure, mais l'avion atterrit toujours.
Il faut garder cet élément en tête pour éviter de perdre des opportunités simplement parce qu'on n'a pas pu attendre.


3- Pas de pot-de-vin
Ne cédez PAS aux sirènes de la corruption. Tout le monde le dit, il faut graisser la patte à gauche, à droite pour arriver à un résultat. Je considère que c'est simplement la voie de la facilité qui l'impose à ceux qui souhaitent l'emprunter.

Sachez que le Cameroun n'est pas rempli que d'individus mal intentionnés. Il y a des personnes, Y COMPRIS DES FONCTIONNAIRES, qui veulent bien faire leur travail. Lorsque vous tombez sur de la mauvaise graine, plutôt que de céder en pensant ainsi éviter de perdre votre temps, je vous IMPLORE de ne rien en faire, et de toquer à toutes les portes nécessaires jusqu'à ce que vous obteniez ce que vous voulez. Car si ce n'est pas son patron, c'est le patron de son patron, ou le patron du patron de son patron, qui ne tolèrera pas les bêtises.
Si nous voulons que les choses changent, acceptons de souffrir aujourd'hui, de dire non lorsqu'on a en face de nous quelqu'un déterminé à nous faire chier jusqu'à ce qu'on lui file quelque chose, n'hésitons pas à TRAHIR. Oui, moi, je suis même pour la dénonciation.  A la police, à ses supérieurs, à la CONAC, à la presse. Faites du bruit. De ce que je vois pour l'instant dans ce pays, les voleurs et les corrompus préfèrent quand il n'y a pas de publicité autour de leurs agissements.
Vous perdrez peut être du temps, mais vous rendrez service à la postérité.

J'ai constaté aujourd'hui que ce sont les mêmes usagers qui se plaignent de la corruption qui l'entretiennent en payant pour obtenir des passe-droits, gagner du temps etc... L'enfer, ce n'est pas que les autres. C'est facile de se laisser aller en disant qu'on n'a pas le choix.

4- Ne travaillez pas avec la famille.
Ça, il est difficile d'y croire tant qu'on n'est pas passé par là. Donc je comprends les sceptiques, mais je vais quand même tenter une explication. Un inconnu que vous auriez recruté sur la seule base de son CV, certes vous aurez du mal à lui faire confiance, mais vous pourrez au moins lui porter plainte et le faire enfermer si il déconne. C'est le village tout entier qui va vous maudire si vous vous attaquez à votre cousin parce qu'il vous a volé de l'argent. Et n'ayez pas la naïveté de croire que votre cousin est moins susceptible de vous voler de l'argent qu'un inconnu.
Par ailleurs, il est extrêmement difficile de faire la part des choses entre le travail et la famille. Vous serez le patron de votre affaire, mais vous devrez gérer les susceptibilités de votre frère qui se sent insulté parce que vous lui aurez fait une remontrance que vous auriez faite à n'importe quel autre employé sans que ça ne soit un scandale.

5- Entrez dans une ou des tontine(s)
Le système bancaire se bat, mais n'y est pas encore. Le principal inconvénient est le taux appliqué, 16%; sinon, je ne trouve pas qu'on demande plus de garanties qu'en France. A votre arrivée, si vous souhaitez faire des affaires, trouvez vous rapidement une tontine. Je n'ai jamais vu l'intérêt des tontines en Europe, mais au Cameroun oui, elles sont vitales, en permettant d'accéder plus facilement à l'emprunt et de financer vos affaires.
 

Bon, je vais m'arrêter là, car ce sont les premiers constats que ma propre expérience m'a fait découvrir. Je pourrais également vous rappeler d'autres banalités qu'on répète assez souvent mais je ne vais pas le faire, car je veux vraiment avoir vu de mes propres yeux avant. En espérant que ça vous sera utile....

Ciao!





6 commentaires:

  1. Beaucoup de courage ma belle ! Tu me sembles brillante et la tête bien faite avec des idées claires... Je te suis !! Mets toi sur twitter e facebook, tu feras connaitre ce blog qui mérite vraiment d'être lu !

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    1. Merci! Le blog est déjà sur facebook, twitter à venir...

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  2. Tout à fait d'accord avec toi et ça me fait davantage réfléchir sur le fait de ne pas crier ses projets sous tous les toits et le rapport famille & affaires. Très instructif ce post, merci!

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  3. Merci JD pour ces petits tuyaux fort utiles. Tortues de mer que nous sommes, on caresse tous plus ou moins ce petit rêve de faire du business dans notre cher Cameroun qui, en dépit de tous les maux qui le minent (et Dieu sait qu’ils sont nombreux !), regorge de sérieuses opportunités. Tu l’as justement noté. Dans un pays où tout ou presque reste à faire le gâteau à partager par les entrepreneurs est immense.
    Ceci dit, je ne suis pas tout à fait en phase avec toi concernant le point 4. C’est vrai il peut être très épineux, pour les raisons que tu as exposées, de faire du business avec la famille.
    Mais si dans la ta famille tu as des personnes « capables » et à même d’être de vrais « partenaires » d’affaire, il serait dommage de ne pas bosser avec eux. A mon avis, il faudrait en amont veiller à mettre les choses au clair et à bien s’assurer que la distinction entre business et famille soit bien partagé. Ne pas hésiter à faire signer des contrats.
    Les exemples sont nombreux, de familles qui ont fait du business en famille. Michelin, Auchan, Kadji …

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    1. Hello. Les noms que tu cites sont des exceptions qui confirment la règle. Il y a forcément des cas où les affaires en famille ont marché, mais de prime abord si on peut éviter, il faut le faire, parce qu'il y a plus de chances d'être désagréablement surpris que le contraire.

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