mercredi 11 janvier 2017

Terrain, mon beau terrain

Bonjour les gens!!!!

On commence par l'incontournable "Bonne année". Oui, moi non plus, je ne vais pas me soustraire des habituels vœux, qu'il faut souhaiter à toute personne à qui on s'adresse pour la première fois en 2017. Et ça va durer jusqu'en Mars environ, au moment où tout le monde, d'un commun accord, aura réalisé que le train de 2017 est en régime permanent. Donc bonne année... Santé, paix intérieure, amour, argent, bref que chacun de vos souhaits soit réalisé. Je vous le souhaite vraiment, à vous et à vos familles....

La nouvelle année a été l'occasion pour moi de faire un peu le bilan de ce blog, que j'ai initialement lancé pour documenter un peu mon retour au pays, histoire d'encourager (ou pas) ceux qui voulaient franchir le pas. J'avoue que je me suis écartée de cet objectif initial, pour une seule et bonne raison : généralement, j'écris suivant l'inspiration du moment. Et si mon inspiration provient à l'instant t de la mauvaise gouvernance dans notre pays, et bien, vous aurez droit à un billet d'humeur...politique. J'ai quand même pris une (bonne?) résolution, c'est celle de maintenir un rythme régulier d'articles à destination du public initial visé. Oui,  je vais vraiment m'efforcer d'aborder les sujets qui vous ont intéressés à la base dans mon blog. Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de temps à autre de bifurcation, mais déjà 2017 devrait être un peu différente de 2016, en mieux. Enfin, je l'espère... Les bonnes résolutions qui ne sont respectées que le temps des vœux de bonne année, on les connaît aussi.

Bref. Pour le premier article de 2017, j'aborde un sujet qui fait la une au tribunal de Ndokoti tous les jours. Si vous vous ennuyez un jour, faites y un tour. Vous allez constater que la majeure partie des cas à traiter au cours de la journée portent sur des litiges fonciers : Escroquerie, ventes multiples, détournements, etc, etc...

Le terrain exerce une véritable fascination sur la majeure partie des individus en âge adulte, moi y compris. Dès qu'on travaille et qu'on a un semblant de stabilité, pour la plupart, l'acquisition d'un lopin de terre est un passage obligatoire. Chez nous au Cameroun, la notion de propriété est encore étroitement liée à la terre. Etre propriétaire d'un appartement? Oui, éventuellement pour le remettre en location. Qui ne rêve pas de sa demeure, de sa cour, et de son jardin éventuel?
Alors, on se lance dans une course effrénée, où on cherche la meilleure occasion de terrain possible. Et justement dans cette bataille, les arnaqueurs n'en finissent pas de trouver leurs pigeons. Je n'ai malheureusement pas suffisamment d'expérience dans le domaine pour vous donner des conseils très avisés ou inventer l'eau chaude... Je suis moi même toujours en recherche active et chaque jour est l'occasion de tomber sur un nouveau cas qui me sidère...Je n'ai certainement vu encore qu'un très petit bout de l'iceberg.

Ma première expérience de recherche de terrain remonte à 2012, alors que j'étais encore une jeune cadre dynamique en région parisienne. J'avais réussi à économiser 5000 euros, donc environ trois millions de francs CFA, que je pensais suffisants pour acheter ne serait ce que 300m² quelque part sans avoir recours à un crédit supplémentaire. Non, vraiment, je pensais que j'avais tué hein. J'étais vraiment sûre de moi et naïvement persuadée que les dix jours de mon séjour suffiraient à me faire clôturer une affaire intéressante. Après tout, n'est ce pas j'avais le cash?

Un de mes oncles que j'ai contacté auparavant et qui m'encourageait dans la démarche a été catégorique : il fallait chercher uniquement les terrains déjà titrés pour éviter les problèmes. Je ne savais pas ce qu'il en était réellement du marché, donc j'ai juste dit OK.
J'ai très vite déchanté quand on a commencé à me proposer les terrains à la portée de mon budget : Terrain titré de 200 mètres carrés à PK19 à 15.000 francs le mètre carré. Terrain titré à Bonendallè, 300 m² à 10.000 francs le mètre carré. Voilà ce qu'on me proposait alors, à moi l'enfant Douala de Bali qui a grandi entre Bali, Bonapriso et Akwa, et qui voyait le reste de la ville de Douala comme une autre ville. Rien de mieux du coté des organismes officiels. Les terrains étaient toujours trop loin à mon goût.
J'ai quand même fait l'effort d'aller visiter un terrain du coté de PK quelque chose (au dessus de 17). Je me suis endormie au cours du trajet, et à l'arrivée, j'étais persuadée que nous étions déjà à Yabassi. Lorsque j'ai osé dire à haute voix que c'était loin, le démarcheur m'a regardé avec de gros yeux
"Noooon, il faudra revenir dans cinq ans, ce sera plein ici. Il y a l'université en construction ici et l'autoroute va passer par là".
En attendant, il n'y avait pas âme qui vive aux alentours, et je pouvais entendre les oiseaux chanter.  L'oncle qui avait bien voulu m'accompagner m'a lâché sur un ton très pragmatique :"Ma fille, accroches ton sac où tu peux l'accrocher, tu veux acheter un terrain de quel côté avec tes miettes là?". Rien de mieux pour redescendre sur terre.
Ce que j'ai trouvé très louche à l'époque, ce sont les largesses auxquelles a consenti le vendeur du terrain que nous visitions lorsqu'il a compris que j'étais liquide. De 15.000 francs, le terrain est passé à 9.000 francs. Il était prêt à vendre tout, tout de suite, ce qui nous a finalement mis la puce à l'oreille. Nous avons commencé à prêter plus d'attention au terrain en question et avons fini par remarquer des bornes qui semblaient avoir été récemment posées. Mon oncle m'a soufflé qu'il pensait que quelqu'un avait déjà probablement avancé de l'argent pour le même terrain, d'où la présence des bornes. J'ai fini par abandonner cette offre. 
Je suis repartie à Mbeng avec mon argent, en pensant reculer pour mieux sauter. Bien sûr, j'ai tout gaspillé, dans des choses qui n'ont aujourd'hui pas d'importance. Si on me remet cinq ans en arrière, j'achète un terrain, sans la moindre hésitation, parce qu'aujourd'hui, les choses ne se sont pas améliorées, bien au contraire....

Les terrains sont toujours chers, trop chers, même quand ils sont situés dans des zones éloignées, mal desservies et très peu sécurisées. On vous demande de payer une fortune et de miser sur l'avenir, un développement qui d'après les vendeurs ne manquera jamais d'arriver plus vite qu'on ne l'imagine. J'ai eu l'opportunité de visiter des terrains qui me donnaient l'impression d'être en forêt profonde, et pourtant le vendeur/démarcheur m'a regardée droit dans les yeux sans sourciller et m'a annoncé que le mètre carré s'élevait à 10.000 francs. Et bien sûr, il n'a pas manqué de me faire comprendre quand j'ai voulu discuter que quatre personnes avaient prévu de visiter le terrain après moi et que je n'avais qu'à "faire ma princesse" devant cette "affaire en or". D'ailleurs, il y a toujours un incontournable chantier à proximité, là, au milieu de nulle part. Généralement, on parle d'un individu qui est au courant des plans de développement de la ville et qui anticipe en bâtissant déjà son château.
Lorsque la route arrive, la folie commence. Du côté de Yassa à Douala, difficile d'aller en dessous de 15.000 francs le mètre carré pour des terrains déjà titrés. La SAD (société d'aménagement de Douala) met en vente des terrains au niveau de la Dibamba, en allant vers Edea, à 17.000 francs le mètre carré. Pour quelqu'un qui souhaite acquérir donc 500 mètres carrés, il faut donc prévoir un minimum de huit à neuf millions, hors tous les frais accessoires.
Je ne sais pas pour vous, mais moi je trouve que c'est énorme, quand on connait les revenus de la classe moyenne camerounaise. Les spéculateurs ont fait leur travail, et cette flambée des prix fait qu'aujourd'hui les honnêtes citoyens prévoient de se construire dans des zones où on n'a même pas encore rêvé de faire des plans d'urbanisation.

La frénésie qui s'est emparée de tout le monde dans cette histoire de terrain a abouti à la prolifération de gens dont la profession est vendeur de terrains. Parmi eux, il y a un nombre incalculable d'escrocs à la recherche de pigeons. Ils vous font miroiter des bonnes occasions, vous délestent de votre argent et vous laissent aller vous embrouiller devant les tribunaux. Je n'ai pour l'instant encore assisté à aucun dénouement d'un litige foncier. Les cas que je connais vont de renvois en renvois, et peuvent s'étaler sur plusieurs années dans les tribunaux. Rien n'est fait pour décourager les arnaqueurs qui continuent gentiment leurs activités.

Le cas le plus courant dont il faut se méfier, c'est ce cas où le vendeur se présente comme le représentant d'une communauté villageoise dans les alentours de Douala (ou de Yaoundé, tiens), qui voudrait se séparer de "quelques" hectares de son domaine pour mettre en valeur le reste. C'est le coup classique des bandits. Souvent ils n'ont absolument aucun mandat des vrais propriétaires, arrivent à trouver des notaires tout aussi véreux qui leur fournissent les documents nécessaires pour donner de la légitimité à leur discours. Parfois aussi, ils font partie d'une branche de la famille, en conflit avec l'autre branche de la famille.
Généralement, le prix très bas est ce qui attire les futurs acheteurs. 5000 francs par exemple, lorsque le cours du terrain normal dans la zone est autour de 10.000 francs. Il y a toujours une explication logique à ce prix au rabais. Les zones étant encore quasiment vierges, les acheteurs attendent souvent plusieurs années avant de commencer à bâtir quoi que ce soit sur le terrain. Et c'est à ce moment que les vrais propriétaires se réveillent pour signaler le caractère illégal de la vente. On se retrouve avec des victimes de part et d'autre : le propriétaire dont le terrain est exploité sans son autorisation, et l'acheteur, qui a investi son argent dans un terrain qui en réalité ne lui appartient pas. Bien sûr, dans ce cas à mon avis, l'acheteur doit payer pour sa négligence mais nos tribunaux, dans la lourdeur et la lenteur qu'on leur connait, sont capables de faire trainer l'affaire sur des années.... Du coup, certains en profitent et foncent dans des affaires louches de façon très évidente, sachant qu'ils auront toujours l'opportunité d'exploiter le terrain plusieurs années avant qu'une décision ferme d'éviction ne soit prise. Je connais un cas de ce genre du côté de Yaoundé, où une dame a vu apparaitre des cités universitaires en pagaille sur son domaine, par des individus qui juraient avoir acheté leur terrain chez un autre individu lié ni de près ni de loin à la propriétaire.

Si vous avez la chance d'acquérir un terrain "propre", ne croyez pas que vous êtes à l'abri. Un autre type de problème peut aussi surgir, problème également très courant dans nos contrées. Si vous prêtez attention à certains terrains vierges qui nous entourent, vous remarquerez que les gens se transforment en cultivateurs et font des mini-champs sur leurs terrains. Ce n'est pas un hasard. Il faut toujours rappeler son existence en tant que propriétaire, construire au moins une barrière, et revenir régulièrement vérifier que le terrain est toujours là. Non, il ne va pas lui pousser des pieds qui lui permettront de se déplacer, mais rien ne vous empêche de venir trouver un individu lambda installé très gaillardement sur votre terrain que vous avez délaissé pendant plusieurs années.
Histoire vraie : un de mes oncles est parti s'installer avec sa femme en France en 2003, en laissant un terrain avec des fondations . Revenu en 2014, il a trouvé qu'un individu, son plus proche voisin, avait construit sa propre maison en empiétant allègrement sur son terrain. Bilan, au bas mot 150 mètres carrés grignotés par le voisin, qui ne s'est pas gêné lorsqu'il a constaté que son plus proche voisin n'était jamais là. L'affaire est devant les tribunaux depuis deux ans. Perte de temps, et perte d'argent. En attendant, le voleur jouit du bien. Faites donc très attention. Le niveau de malhonnêteté est assez élevé parmi nos compatriotes...

Je sais que tout ce que j'ai pu écrire dans ce post, vous avez déjà du l'entendre au moins une fois. Mais bien sûr, on ne mesure jamais à quel point la situation est compliquée. Il faut avoir été victime pour comprendre. Des vies ont été détruites dans ces histoires. Le maître mot est la prudence et la méfiance.

Pour ma part, ma position est simple. Il ne faut prendre aucun risque et privilégier les terrains à la situation CLAIRE. Pas question de s'embrouiller dans des histoires de communauté villageoises, ou de morcellements à effectuer dans le futur sur la base de titres fonciers qui appartiennent à un individu différent de celui qui vous fait miroiter monts et merveilles. Il faut discuter directement avec le propriétaire dont le nom est inscrit sur les documents qu'on vous montre. Et avec tous les documents déjà clairement établis, il est plus aisé de procéder à toutes les vérifications qu'il faut au niveau du cadastre avant de se décider, histoire de voir si on ne vous vends pas un terrain qui fait l'objet d'un litige ou qui a déjà un ou deux propriétaires.
En réalité même, il vaut mieux se tourner vers des organismes officiels tels que la Maetur ou la SAD. Certes, les prix sont souvent plus élevés, mais au moins la sécurité est là.  On ne peut plus être sûrs de rien ni personne lorsqu'on parle de terrain . Je répète : RIEN ni PERSONNE.


A bientôt!