jeudi 7 mai 2020

Personnel hospitalier et Enseignants : ces sacrifiés....


Tous les métiers ont beau être importants, il y a des corps qui méritent encore plus de respect et de considération que les autres, en raison de l'importance de leur tâche et de leur impact sur notre présent et notre avenir. Il s'agit pour moi du personnel médical, des enseignants et des militaires.

Je tiens à préciser que je parle des militaires dans le sens général, ceux qui protègent leur pays et ses citoyens,  avec humanisme, dans le respect strict des règles de déontologie de l'armée. C'est important de le souligner, car il y a des évènements au Nord-Ouest, au Sud-Ouest et dans le Nord Cameroun, qui poussent à se poser des questions.... que je ne me poserai pas dans cet article ci. J'introduisais juste, car en réalité je veux parler du personnel médical et des enseignants, deux corps qui en voient des vertes et des pas mures en ce moment.

Les médecins, infirmiers et autres nous soignent. C'est grâce à eux que nous pouvons prétendre à conserver ou recouvrer la santé, et donc évoluer dans nos vies et avancer dans nos projets. Les enseignants, eux, forment notre avenir. Le savoir est une arme, et ils sont ceux qui le distillent. Qu'y a t il de plus important que la santé et le savoir??? Pourtant dans le contexte actuel de crise sanitaire liée au covid-19, je constate que ce sont les paillassons de cette société. Le mot peut sembler dur, mais c'est vraiment mon ressenti.

Les hôpitaux sont saturés dans la plupart des pays, et le personnel médical en première ligne, est très exposé et compte aussi ses propres morts. Le Cameroun ne fait pas figure d'exception.
Les médecins, infirmiers et autres personnels hospitaliers sont donc très exposés au virus dans l'accomplissement de leur mission. Sont-ils suffisamment protégés? La réponse est non. Faites un tour dans les hôpitaux, y compris ceux qui ont été désignés pour gérer les cas de Covid si vous en avez le courage, et observez le matériel de protection à leur disposition. Il n y en a clairement pas assez. Vous me direz, la polémique est la même en France, et nos spécialistes du nivellement par le bas ne manqueront pas de sauter sur l'occasion pour dire qu'il n y a aucune plainte à émettre à ce sujet. Mais quand même...

Au delà du problème de matériel, il y a celui de la rémunération. Personnellement, j'aurais bien été incapable de faire un minimum de sept ans sur les bancs d'école pour me retrouver en train de vadrouiller de garde en garde pour joindre les deux bouts, avec un salaire aussi bas que celui de nos fonctionnaires médecins. N'en parlons pas des infirmiers. Je me souviens avoir été vraiment ébahie par le niveau de revenus d'une amie infirmière libérale en France. Ici, que gagnent les infirmiers? A ce problème ce base, se rajoute celui du risque auquel ils sont exposés dans cette guerre dont ils sont les premiers soldats. Y a t il une prime de risques? A combien s'élève-t-elle? Est-elle régulièrement versée? Questions pour un champion. En attendant la réponse, les quelques médecins avec qui j'échange ont développé un cynisme et une amertume à nul autre pareil.

Le médecin est celui qui est en contact avec le malade et sa famille. C'est lui qui doit expliquer qu'il n y a pas de tests pour confirmer le statut du patient. C'est lui qui doit expliquer qu'il manque de la place, du matériel, des médicaments. Tout devrait être gratuit, mais c'est encore lui qui devra annoncer qu'il faut payer quelque chose, vu que la subvention promise par l'Etat n'est jamais arrivée et que les caisses de l'hôpital sont vides. C'est lui qui annonce les décès. C'est lui qui annonce que le corps est saisi. C'est lui qu'on va tabasser quand les choses ne seront pas allées dans le sens de ce que la famille veut. C'est facile : la profession ne semble plus rien avoir de sacré. On a trop souvent dépeint les médecins comme des clochards mercenaires qui ne sont intéressés que par l'argent. Ce genre d'individus, on les redresse dans la brutalité, pour beaucoup. Et la boucle est sans fin : ils sont frustrés, face à une population frustrée elle aussi, qui les tient pour responsables. Pourtant, les vrais responsables, on les connaît....

Qui a envie de travailler dans des conditions où il côtoie l'inconnu, un inconnu potentiellement mortel, sans être suffisamment protégé, sans être bien payé, sans être respecté? C'est là qu'on me parlera de "vocation". C'est vrai, avoir la vocation aide, mais je suis un peu embêtée quand j'entends ce mot, car il sert généralement d'échappatoire à tous ceux qui ne veulent pas traiter le personnel hospitalier correctement. Après tout, ce ne sont que des êtres humains, et c'est beaucoup plus facile de rester professionnel quand on est bien traité. Je n'excuse en aucun cas les écarts qu'on a pu observer, mais avouons tout de même qu'il est difficile de travailler dans ces conditions.

Parlons maintenant des enseignants. Une des premières mesures lorsque le danger a frappé à nos portes, a été de fermer les écoles. Du jour au lendemain, des milliers d'enseignants se sont ainsi retrouvés inoccupés, et face à des lendemains incertains. A ce jour, la reprise est prévue pour le 1er Juin, mais nul ne sait si toutes les classes sont concernées et comment ça va se passer, au vu de la pandémie qui évolue lentement, mais sûrement au Cameroun.
Même si théoriquement, le gros de la scolarité a déjà été versé par les parents dans les écoles privées, je mettrais ma main au feu que des promoteurs véreux n'hésitent pas actuellement à charcuter les salaires de leurs employés en prétextant le Covid-19. Certains camerounais se comportent comme des rats, sans la moindre vergogne.
Les salaires ne volaient déjà pas bien haut. J'ai été consternée quand j'ai appris à combien s'élevait la rémunération des instituteurs de mon fils, qui est pourtant dans une des écoles privées les plus connues de Douala. Sa scolarité à lui seul, couvre presque l'année salariale entière de chacune de ses maîtresses, et ils sont plus d'une vingtaine en classe. Un calcul rapide me fait comprendre qu'il s'agit d'une escroquerie sans nom et que la misère de ces hommes et femmes est exploitée par ces différents promoteurs. Alors imaginez un enseignant qui gagne 60.000 francs CFA, qui n'est pas déclaré à la CNPS (on se demande comment c'est possible, mais ca l'est), et qui se retrouve à la fin du mois avec la moitié de son salaire, sans avoir été prévenu, avec comme explication le covid-19, alors que 100% de la scolarité devait être payée par les parents depuis....janvier.
Je ne suis pas en train de conter un scénario potentiel, je suis en train de vous raconter ce qui est en train de se passer, dans une école que je ne citerai pas....encore. J'essaie actuellement de saisir le président de l'APE.

Cette crise m'a ouvert les yeux un peu plus sur le désespoir qui habite certaines personnes dans ce pays. Des gens que nous voyons marcher tous les jours, visiblement bien portants, mais qui pourtant sont sur un fil, perpétuellement, alors que leur apport pour la société est d'une importance capitale. Chacun peut essayer d'aider à son niveau : maintenir entièrement les salaires des employés par exemple, lorsqu'on le peut, alors même qu'ils sont renvoyés en confinement chez eux... mais cela ne remplacera jamais un système bien huilé et bien structuré.
Il est urgent de repenser les système médical et éducatif camerounais. Si nous voulons une population en bonne santé, et une population armée du savoir qu'il faut pour bâtir le Cameroun de demain, nous devons y mettre les moyens et mieux traiter notre ressource humaine. Nous avons investi (et détourné) des milliers de milliards pour une CAN devenue très hypothétique. Ah, le destin sait être méchant. Nous voilà avec nos stades sur les bras, et nous irons y installer des tentes pour accueillir les malades parce qu'il n y a pas assez d'hôpitaux. Nos enseignants, quant à eux vont souffrir, vivoter de gauche à droite, en proposant des cours de soutien, espérant pouvoir se nourrir de la sorte. Il est bien vrai qu'un ministre camerounais (le ministre des charades, les compreneurs comprendront), avait déclaré qu'on peut bien vivre au Cameroun avec le SMIC de 37.500, donc je suppose que je prêche dans le désert.

Ca m'a fait du bien d'écrire en tout cas.