jeudi 8 juin 2017
Part II... La route ne tue pas...
Quand je venais juste de démarrer ce blog, j'ai rédigé un article sur la route au Cameroun... Je savais que je ne pouvais pas traiter le sujet de façon exhaustive et j'avais à l'époque intitulé le billet "Part I... la route ne tue pas", avec pour ambition de revenir continuer à déblatérer sur le sujet. Bien des mois (des années) après, je me rends compte que je n'ai jamais pris la peine de continuer cette série sur les problèmes routiers que nous connaissons dans ce pays. En réalité, je crois que j'ai tellement été dépassée par le niveau de désordre que je n'ai plus trouvé les mots pour pouvoir qualifier ce triste spectacle auquel j'assistais.
Pourquoi je me décide à recommencer ce soir? J'ai assisté il y a quelques jours à une scène qui m'a secouée. Certains diront que je l'ai été plus que nécessaire : après tout, après trois ans et demi passés au Cameroun, certaines scènes d'horreur devraient faire partie de mon quotidien... Il suffit d'allumer sa radio le matin pour entendre parler de ces motos écrabouillées par des camions, des agressions à main armées, des viols sur mineurs, des accidents de la route sur nos grands axes, de personnes fauchées par des motos... Mais non, je crois que je ne serai jamais anesthésiée face à l'horreur.
J'ai vu un piéton se faire faucher par une voiture. En plein embouteillage. Oui, un putain d'embouteillage où toutes les voitures sont rangées à la queue leu leu et doivent attendre quinze minutes pour parcourir un mètre. Comment cela a-t-il pu se produire, alors que le monsieur était sur le trottoir? Simplement parce qu'au lieu de faire comme tout le monde et patienter le temps que la police présente sur les lieux fluidifie la circulation, certains camerounais ont décrété qu'ils étaient plus pressés que le reste du monde, que leur temps à eux était plus précieux, et ont commencé à rouler sur le trottoir. Et une personne parmi ce tas d'idiots est allée percuter une glissière et a perdu le contrôle de sa voiture, fauchant au passage une personne qui marchait tranquillement à l'autre bout du trottoir... Ce qui est encore plus triste dans toute cette situation, au delà de la vie de cet homme qui est peut être perdue aujourd'hui, c'est le fait que la responsable de l'accident pourra potentiellement passer en travers les mailles du filet. On est au Cameroun et la bonne dame conduisait un Nissan 4x4 neuf. Autant dire, qu'elle vient potentiellement d'une classe sociale qui n'a pas souvent trop de mal à passer à travers les mailles du filet. J'espère sincèrement que la famille de la personne fauchée ne lâchera pas l'affaire.
Ce comportement irresponsable est la NORME dans la circulation routière au Cameroun. Personne ne respecte rien et l'incivisme est à son paroxysme. Et gardez vous bien de vouloir bien faire et de vouloir sensibiliser vos compatriotes à mieux faire.
Je me fais insulter régulièrement parce que je respecte systématiquement un feu rouge. Un monsieur plus que respectable est allé un jour jusqu'à descendre de son véhicule pour venir m'apostropher parce que je refusais d'avancer tant que le feu n'était pas repassé au vert. Le comble c'est qu'un poste de police est situé à ce carrefour là, mais la potentielle présence de la police n'a pas l'air de dissuader les usagers qui s'inventent une flèche orange imaginaire qui justifierait le droit de traverser pour aller à droite.
Toutes les catégories d'usagers sont concernées par les bêtises. Les automobilistes, taxis, motos et camionneurs s'insultent entre eux mais il n'y a personne pour rattraper l'autre.
Commençons par mes ennemis préférés.
Je travaille en zone industrielle, et je suis obligée de passer par Ndokoti tous les matins. J'ai développé une inimitié particulière pour les motos et les camions.
Les conducteurs des motos sont juste idiots, pour la plupart. Partez de ce principe simple, et vous sauverez la vie de plusieurs d'entre eux derrière votre volant. Ils s'emmitouflent dans des doudounes, des blousons, écharpes, gants et bonnets, sous un soleil ardent avec une température à l'ombre de 35°, et cet équipement les persuade qu'ils sont immortels. Ils entrent dans des bras de fer incompréhensibles avec des voitures, parfois mêmes des camions, se comportant comme si ils ne sont pas les plus exposés. Les feux rouges ne les concernent jamais, sauf éventuellement les jours où les policiers en charge de la circulation durcissent le ton et se munissent de bâtons pour fouetter les plus intrépides d'entre eux. Le sens de la circulation aussi ne semble pas les concerner. Ils roulent dans tous les sens, sans aucune gêne, allant même jusqu'à vous insulter si vous les gênez. Les dépassements sont incontrôlables, à gauche comme à droite et ils n'hésitent pas à s'arrêter en plein milieu de la chaussée pour déposer ou prendre leurs clients..
90% des embouteillages à Ndokoti sont dûs aux motos (et aux piétons, mais on en reparlera).
Quand j'observe leur comportement, derrière mon volant, et que je pense au nombre incalculable de fois où j'ai dû faire face à un d'eux, prenant sur moi de penser à leur sécurité à leur place, je suis confortée dans ma position qui est de ne JAMAIS prendre la moto, quelles que soient les circonstances. J'ai eu recours aux deux roues deux fois dans ma vie : une fois en 2003, et une fois il y a deux semaines, juste pour voir quel effet ça faisait. Cette statistique ne risque pas de changer de sitôt. On pourrait croire qu'ils troquent systématiquement leurs cerveaux en échange de leurs deux-roues.
J'en viens à apprécier particulièrement les jours de forte pluie. Certes, il est difficile de circuler même en voiture, avec les mini-lacs qui se forment encore ça et là, et la faible visibilité, mais la pluie a ceci de merveilleux qu'elle oblige les motos à déserter les routes. Il n'y a rien de plus reposant que d'arriver au travail le matin sans avoir eu à s'inquiéter de sa carrosserie ou de se retrouver avec un corps sur les bras.
Parlons maintenant des camionneurs. Déjà, il faut comprendre que le Cameroun est le cimetière de tous les camions destinés à la casse en Europe. Ce qui signifie que très peu de camions en arrivant ici répondent encore réellement aux normes élémentaires en matière de sécurité. Il y a certains camions qui sont de façon visible tellement vieux que je me dis que le chauffeur risque le tétanos à chaque fois qu'il se glisse dans la cabine. Si on rajoute à cela le nombre de visites techniques qui sont obtenues en glissant un billet au contrôleur, sans que le contrôle ne soit réellement fait, vous comprenez qu'il faut absolument se méfier des camions. Ayez peur si il y en a un sur une descente derrière vous, ou sur une montée devant vous. Fuyez! Le cas des freins qui lâche est tellement courant qu'entendre parler des accidents liés à cette défaillance fait quasiment partie du quotidien.
On peut aussi parler de ces containers et cargaisons amarrés à la va-vite qui se renversent et écrasent d'autres usagers. Je m'interroge régulièrement sur la règlementation à ce sujet et sur les mesures de sécurité qui sont prises dans les entreprises pour sécuriser leurs chargements. Je connais au moins trois cas tragiques qui se sont produits depuis que je suis rentrée et d'autres moins tragique : lorsque la bière se renverse en route par exemple. Généralement les populations sont contentes de l'aubaine et se précipitent pour sauver les bouteilles qui peuvent encore l'être mais parfois je me demande si ils sont conscients que ces casiers auraient pu s'effondre sur quelqu'un et le tuer...
Aucune mesure ne semble être prise par nos pouvoirs publics pour arriver à maîtriser tous ces accidents dans lesquels des gros transporteurs sont impliqués. A chaque accident, il y a la consernation générale, et puis plus rien. "On va faire comment?!". Voila la formule consacrée des camerounais.
Au delà de l'état lamentable des véhicules, on peut aussi parler de la méchanceté des camionneurs. Je ne trouve pas d'autre mots pour qualifier leur attitude sur les routes. Vu que je travaille en zone industrielle, j'ai le loisir d'admirer leurs prouesses tout le temps. Un gros porteur, avec une charge, qui roule à 70km/h alors que la limite est fixée à 50km/h? Rien de surprenant. Ceux qui le verront venir s'écarteront ou mourront. Après tout, ne sont-ils pas invincibles et immortels du haut de leurs cabines? Ils n'hésitent pas à forcer et à faufiler, un comportement que je trouve particulièrement irresponsable, car les conséquences d'un accrochage avec un camion sont potentiellement les plus graves. Autant, avec les motos il faut apprendre à les éviter de peur de les tuer sans que l'idée de leur propre mort ne les effraie, autant il faut éviter les camions car l'idée de vous tuer ne les perturbe pas plus que ça non plus.
Une nouvelle calamité a fait son apparition depuis quelques années : les tricycles. Ils sont pourtant bien pratiques pour les petites livraisons et les déménagements dans la ville mais il se pose plusieurs problèmes. Premièrement, la plupart ne sont pas munis de rétroviseur. Ils ne roulent pas très vite sur les routes, et quand l'envie vous prend de les dépasser, vous n'êtes pas à l'abri d'un braquage soudain à droite ou à gauche, le tout bien sans qu'aucun clignotant n'ait signalé auparavant son intention de bifurquer. . Deuxièmement, ils n'ont pas l'air de maitriser leurs gabarits. Ils essaient aussi de se faufiler, généralement dans des espaces où leur chargement lui, passe difficilement. Ils sont actuellement la plus grande cause de rayures et de chocs mineurs sur les carrosseries. Bien sûr, ça reste bénin, mais les carrossiers n'ont jamais travaillé gratuitement.
Maintenant, parlons les taxis. Eux, ils pensent pouvoir s'arrêter et repartir à leur guise, sans utiliser de clignotant ou sans regarder leur rétro, pour prendre et décharger leurs clients. Une proportion non négligeable d'entre eux n'est pas propriétaire des véhicules qu'ils utilisent, et par conséquent, ils s'en foutent des dégâts éventuels sur leur voiture. Tout ce qui leur importe c'est de gagner du temps. Celui qui va forcer le passage avec un taxi a de fortes chances de perdre son bras de fer. Il va finir avec des rayures qu'il devra payer pour enlever, pendant que le taxi s'en foutra des dégâts sur sa voiture. Le soir après le service, il expliquera au patron qu'un monsieur l'a gratté et s'est enfui.
Pour finir, je vais parler des piétons, mais pas n'importe lesquels, ceux de Ndokoti. Il m'est arrivé de ne pas avoir de voiture et de devoir marcher dans cette zone. Je me suis toujours à traverser prudemment et à rester sur le trottoir. Mais cette attitude n'est pas le cas de tout le monde. Certains piétons contribuent hautement à l'anarchie qui règne en ce lieu. On traverse n'importe où, n'importe comment, on supplie les voitures de s'arrêter parce qu'on veut passer, on marche directement sur la chaussée... Pourtant, il y a des feux qui fonctionnent. Mais comme les motos, les piétons considèrent qu'ils ne sont pas concernés. Le résultat premier sont ces embouteillages permanents qui règnent à Ndokoti. Je suis d'avis que le fameux échangeur que tout le monde réclame à cet endroit n'est pas encore nécessaire. Si les Camerounais arrivaient à faire preuve d'un minimum de discipline, on respirerait un peu mieux dans cette zone.
Je peux m'étendre encore et encore, et poursuivre mon coup de gueule advitam eternaem. J'en ai particulièrement marre du stress permanent dans lequel je me retrouve chaque fois que je dois prendre le volant. J'en viens presque à envier les baos de Yaoundé et leurs grosses cylindrées qui se font vider la route systématiquement lorsqu'ils veulent passer. Si je pouvais aussi avoir cette chance, j'aurais certainement la migraine moins souvent.
Je souhaiterais sensibiliser chacun de mes compatriotes. Comme dans la plupart des secteurs; on a beau désigner le premier coupable Paul Biya, mais en réalité chacun de nous apporte sa pierre à l'édifice du désordre ambiant. Avez vous des fusils pointés sur vos tempes lorsque vous allez boire "quelques" bières et que vous vous retrouvez à prendre le volant pour finir encastrés dans des mûrs? Entendez vous une voix depuis Etoudi vous susurrer d'essayer de forcer et de vous faufiler pendant les embouteillages parce que vous ne pouvez pas patienter? Qui vous oblige à vous comporter de façon indisciplinée et incivique? Quand vous êtes repris, n'êtes vous pas les premiers à dire "aah, celui là se prend pour qui?"
Finalement, on n'a que le pays qu'on mérite.
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