Bonjour les gens,
Le décor a été planté ici et ici. Part I et part II, pour ceux qui n'ont pas encore lu....
Imaginez des camerounais qui créent une coopérative et confient de l'argent et un ensemble de tâches à effectuer à quelqu'un (Boniface). Au total, Boniface les escroque à hauteur de six millions, en profitant du fait que quatre d'entre vivent à l'étranger, et que la cinquième personne au Cameroun n'a pas le temps de suivre.
Le scénario n'est que trop commun. Quelqu'un a dit dans les premiers commentaires que si tous les Camerounais vivant à l'étranger qui s'étaient faits escroquer par des locaux devaient faire des vidéos, on s'en sortirait avec une série aussi longue que les feux de l'amour. Il n'y a pas de meilleure image pour illustrer ce qui se passe....
Cette partie de l'histoire, je la trouve personnellement intéressante, parce que les membres de la coopérative n'ont pas eu la réaction habituelle face à ce genre de cas. Généralement, on se lamente et on oublie son argent. Qui aurait le courage de poursuivre un membre de la famille, ou un ami d'enfance? Tout le monde crie "moi, moi" mais en vérité, face au caractère fastidieux de la tâche, beaucoup abandonnent après les menaces d'usage.
C'est la première erreur : Laisser les sentiments et la flemme prendre le dessus sur tout. Si tous les escrocs locaux qui ont pigeonné des personnes de la diaspora finissaient derrière les barreaux, beaucoup hésiteraient à nouveau avant de profiter de la distance pour rouler leurs compatriotes dans la farine. Mais très peu vont jusqu'au bout : on pense au temps, à l'énergie, à la famille, à l'amitié et au bon vieux temps. Comme si, les escrocs, eux, s'embarrassaient de ce genre de considérations....
Revenons à notre histoire. Les membres de la coopérative, après avoir découvert le pot aux roses, ont décidé de mener deux actions. Dans un premier temps, il fallait gérer le cas de Boniface. Au cours de leurs recherches, ils ont découvert que Boniface venait d'aménager dans sa nouvelle maison, dont il venait de finir la construction. Ils savaient déjà à quoi avait servi leur argent. Il fallait récupérer au moins une partie, si ce n'est la totalité de l'argent détourné, et cela à tous les prix.
Pour cela, il fallait quelqu'un de disponible pour suivre l'affaire, de bout en bout, dans un délai assez court. Cela tombait bien, un des membres de la coopérative a pris ses congés et prévoyait d'arriver au Cameroun. En plus, il s'agissait de celui qui a recommandé Boniface au groupe et qui s'en voulait encore plus pour ce choix. Il s'est donc chargé de gérer.
1ère étape : Porter plainte au commissariat. Mais idéalement pas n'importe lequel... Nous sommes au Cameroun et ce pays a ses tares. Vous pouvez avoir la chance de tomber sur une personne consciencieuse et soucieuse de bien faire son travail...ou pas. Et la première catégorie ne court pas les rues. Si vous n'avez pas beaucoup de temps, trouvez quelqu'un auprès de qui vous allez vous faire introduire personnellement, et ajoutez lui une motivation supplémentaire. Pour une escroquerie à hauteur de six millions, si vous voulez que les officiers soient motivés à vous aider à récupérer au moins une partie, il va falloir leur promettre une prime d'intéressement. Je ne cautionne pas la pratique, mais il faut rester pragmatiques.
Une fois que le groupe a trouvé un commissariat où porter plainte, ils l'ont fait, et ont fait porter la convocation personnellement à Boniface, qui ne se doutait absolument pas que TOUT son travail avait été mis à jour. Le bon monsieur pensait encore que la plainte portait simplement sur la campagne qu'il avait bâclée....
Il faut éviter les négociations à l'amiable hors du commissariat.
Une fois la plainte reçue, Boniface a informé sa mère que son ami d'enfance qu'elle connaissait bien voulait le faire coffrer "parce qu'il avait mal travaillé". Il espérait sans doute qu'elle négocie pour lui et que son ami laisse tomber, en souvenir du "bon vieux temps". Bien sûr, l'instinct maternel a pris le dessus et la dame s'est déplacée vers le membre de la coopérative pour l'inciter à la compassion. Ce n'est pas une tâche facile, surtout quand on respecte les ainés, de voir une maman en appeler à notre bon cœur et supplier pour qu'on ne fasse pas enfermer son fils pour malversations. SERREZ LE CŒUR et REFUSEZ toute proposition à l'amiable qui se passerait en dehors des autorités compétentes. Généralement, c'est un moyen de gagner du temps ou de vous endormir simplement pour éviter la case cellule. Le dû n'est jamais récupéré.
Boniface ne s'étant pas présenté à la première convocation, une deuxième lui a été adressée, toujours à son domicile, devant femme et enfants. Il n'avait pas d'autre choix que de se présenter à la date donnée.
Ceci rappelle également l'importance de travailler avec des personnes qui peuvent avoir quelque chose à perdre. Dans le cas présent, Boniface ne pouvait pas simplement disparaitre, avec une famille à sa charge. Bien sûr, il y a des têtes brulées qui ne se seraient pas gênées, mais le fait de savoir où il vivait était un plus. Si c'était un célibataire sans enfants, il aurait simplement pu prendre la clé des champs, aller se cacher quelques semaines au village le temps que son ami reparte et qu'on l'oublie. Mais là, son domicile étant identifié, et sa femme connue, il ne pouvait sûrement pas se volatiliser, surtout que son épouse était citée comme témoin dans les faux actes de vente signés. En dernier recours, elle pouvait toujours se retrouver en cellule à sa place.
Voici donc Boniface au commissariat, informé des chefs d'accusation qui pèsent contre lui. Face aux éléments de preuve accablants, il n'a pas pu nier grand chose et a proposé de rembourser une partie de l'argent cash, et le reste en plusieurs mensualités, contre son titre foncier et/ou sa voiture en gage. Sa garde à vue lui a été signifiée et il a proposé 50k à l'enquêteur pour être laissé libre....Vive le Cameroun. La motivation de l'autre coté était plus intéressante... donc il n'a pas convaincu l'enquêteur qui l'a enfermé pour la nuit.
Je vous ai dit plus tôt, en part II, que Boniface connaissait bien un grand ponte de cette république. Le temps de prévenir ce dernier, il a du passer la nuit en cellule. Le lendemain matin, sa femme est arrivée au commissariat avec un avocat et une personne sensée renverser le rapport de forces... Ils sont entrés directement dans le bureau du commissaire pour des pourparlers, laissant le plaignant représentant de la coopérative dehors....
Malheureusement pour notre escroc, dans la coopérative, se trouve un autre membre qui a la possibilité de toquer à la bonne porte. Par conséquent, avant même que le doute ne s'installe dans l'esprit de qui que ce soit, un coup de fil avait déjà été passé au commissaire, lui demandant de gérer cette histoire dans le plus grand sérieux et de s'assurer surtout que le plaignant était satisfait de l'échéancier proposé par Boniface...
Tout le monde n'a pas la chance d'être bien introduit. Par conséquent naviguer dans les eaux camerounaises peut devenir très compliqué. C'est pour cette raison que je conseille à tous les aspirants investisseurs vivant à l'étranger de procéder à un réseautage en bonne et due forme. Il faut s'y forcer. La force d'un individu réside dans les personnes qu'il connait et qui seraient capables de faire un geste, aussi petit soit-il pour lui. Plus vite on l'accepte, mieux on se porte.
Finalement, Boniface a du proposer quelque chose qui arrangeait les membres de la coopérative. Sa libération a été conditionnée par le versement de deux millions de francs CFA cash, qu'il a fait apporter par sa femme dans la matinée. On se demande bien quel autre pigeon il a trouvé pour avoir cet argent. Toujours est-il qu'il était libre en fin de matinée, et que les membres du groupe avaient récupéré deux millions, et un échéancier pour les quatre millions restants étalés sur quelques mois.
Une bonne chose de réglée. Au cours des prochains mois, Boniface devra s'arranger pour respecter ses échéances. Et vous vous doutez bien qu'il s'y efforcera, ses bourreaux ayant démontré qu'ils n'avaient absolument aucune molécule de lactose à lui concéder. Façon de parler.
La deuxième action consistait en gérer et clarifier la situation du terrain acheté....
Les leçons viendront plus tard. Là maintenant, il s'agit de savoir comment l'affaire du terrain a finalement été réglée... Les membres ont-ils pu récupérer le terrain dans les bonnes dimensions? Comment s'est comporté Essomba par la suite?
Il faut vraiment serrer le coeur!
RépondreSupprimerTrès bien
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